| Focus 1/2 | A l'écoute des cétacés

L’écholocalisation

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L’écholocalisation est une technique utilisée par certains animaux pour localiser des objets à distance lorsque la vue n’est pas ou peu praticable (nuit, zones obscures telles que grottes ou fonds marins). Elle est notamment utilisée par tous les cétacés à dents ou odontocètes (dauphins, baleines à bec et cachalots).

Le principe physique est le même que celui du sonar : une onde acoustique brève et intense est émise, dont une partie est réfléchie par l’obstacle et est captée en retour par l’animal. La durée entre l’émission et la réception du signal renseigne sur la distance entre l’émetteur et la cible. La forme et l’intensité du signal retour donnent d’autres indications sur la texture et la taille de la cible. Enfin, la direction est déterminée par deux dispositifs complémentaires :

  • d’une part, à l’émission, par la focalisation de l’onde, c’est-à-dire que l’énergie émise est concentrée dans un faisceau de faible dimension angulaire. Ce système permet à l’animal de « scanner » essentiellement l’espace en face de lui.
  • d’autre part, à la réception, par des capteurs acoustiques dont la géométrie est fortement non symétrique. Ainsi, on pense que les os (de la mâchoire, du crâne) des dauphins jouent un rôle important dans la détection des échos.


Vidéo 1. Animation décrivant le principe de l’écholocalisation d’un odontocète, le grand dauphin (Tursiops truncatus). [Source : Animation Franck Malige et Julie Patris]

L’organe associé à la focalisation de l’émission acoustique est appelé le « melon », qui donne le large front bombé caractéristique des dauphins. Pour la plupart des cétacés à dents, l’impulsion est émise par les lèvres phoniques à l’arrière du crâne. Pour les cachalots en revanche, l’évent respiratoire étant situé à l’avant de la tête, les lèvres phoniques émettent vers l’intérieur du crâne, à travers l’organe graisseux appelé spermacéti. L’onde est alors réfléchie sur le sac d’air présent à l’arrière du melon avant d’être focalisée de nouveau à travers les masses graisseuses du museau. En raison des pertes à chaque étape de cette amplification complexe, les clics des cachalots présentent une structure multiple caractéristique de l’espèce.

Vidéo 2. Animations décrivant le principe de l’écholocalisation chez un autre odontocète, le cachalot (Physeter macrocephalus). [Source : Animation Franck Malige et Julie Patris]

Les signaux émis sont en général courts, et à haute fréquence. En effet, le temps entre l’émission et la réception est bref : une distance aller-retour de 15 mètres est parcourue par l’onde sonore en 15 / 1500 = 1/100e de seconde. Il est nécessaire d’émettre des signaux plus brefs que le temps estimé d’aller-retour, plus courts en général que quelques millisecondes. Les signaux émis par les cétacés à dents sont appelés des « clics » à cause de leurs propriétés acoustiques (brefs et à large bande en fréquence).


Vidéo 3. Clics émis par un cachalot (Physeter macrocephalus). Sons enregistrés par l’équipe DYNI du CNRS en méditerranée, près de Toulon. [Source : Animation Franck Malige et Julie Patris]

On constate que les gammes de fréquences de ces clics sont très variables selon les espèces. Les cachalots, immenses habitants des grands espaces, émettent des clics à moyenne fréquence, de l’ordre de 5 kHz, audibles par l’oreille humaine (Vidéo 3). A l’autre extrême, les dauphins de rivière, qui vivent dans un environnement complexe, très diversifié à petite échelle (racines d’arbres, obstacles fréquents) émettent des clics de très haute fréquence (plus de 50 kHz, inaudibles par la majorité des autres animaux), leur permettant sans doute une grande précision (Vidéo 4).

Vidéo 4. Clics émis par un dauphin rose de l’Amazonie (Inia geoffrensis). Pour pouvoir être audible, la fréquence des sons a été divisée par 5. Sons enregistrés par l’équipe DYNI du CNRS au Pérou, près d’Iquitos. [Source : Animation Franck Malige et Julie Patris]