| Focus 1/1 | La biosphère, un acteur géologique majeur

Oxygène : la révolution

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BOUSSAC Alain, Directeur de recherche CNRS, Institut de Biologie intégrative de la cellule, CEA Saclay
RUTHERFORD William, Professeur, Imperial College, Londres ; Fellow of the Royal Society

La vie sur Terre est basée sur la chimie du carbone, dont la source est le dioxyde de carbone (CO2). Pour être utilisable dans les réactions biologiques, le CO2 doit être “énergisé” en emmagasinant des électrons e et des protons pour compenser les charges négatives des électrons. L’invention de la photosynthèse par certains organismes a résolu ce problème très tôt dans l’histoire de l’évolution en développant un processus qui a permis l’explosion de la vie. Les premiers organismes capables de réaliser la photosynthèse furent probablement les ancêtres des cyanobactéries. Ils apparurent dans l’océan primordial du Précambrien il y a plus de trois milliards d’années. En utilisant l’énergie solaire pour prendre des électrons à l’eau (H2O) la conséquence a été la production de dioxygène (O2) et de protons. L’accumulation lente de dioxygène dans l’atmosphère entraîna une véritable “révolution dans l’évolution”. Cette accumulation est le résultat d’un équilibre entre production (photosynthèse), consommation (respiration) et stockage (charbons, calcaires…).

Après l’apparition de la photosynthèse, la concentration de dioxygène dans l’atmosphère est restée faible en raison de la forte capacité des minéraux à le piéger. Cet événement dans l’histoire de la Terre est clairement enregistré dans des couches géologiques riches en oxyde de fer (Fe2O3) jusqu’à environ – 2,5 milliards d’années. Après saturation des minéraux en oxygène, celui-ci s’est alors répandu dans l’atmosphère avec des conséquences majeures. Les quantités issues de la photosynthèse étaient d’un tout autre ordre de grandeur par rapport à celles de la période précédente, au point de devenir un poison pour les espèces vivantes à son contact. Pour celles qui ont survécu, la présence d’O2 a été mise à profit dans un nouveau processus énergétique : une respiration utilisant O2 comme accepteur terminal des électrons. Les molécules carbonées riches en énergie produites par la photosynthèse sont devenues le combustible de la respiration, et le déchet O2 le comburant. Ce type de respiration, d’un bon rendement énergétique, a favorisé le développement d’organismes multicellulaires puis de formes vivantes plus complexes (Figure 1). Sous l’effet du rayonnement ultraviolet (UV) solaire, l’apparition de dioxygène a eu comme conséquence l’accumulation d’ozone dans les couches supérieures de l’atmosphère, protégeant ainsi les espèces vivantes des effets dommageables du rayonnement UV. Ce filtre naturel anti-UV permit pour la première fois à la vie de sortir “au grand air”. Ce sont les espèces photosynthétiques qui sont responsables de la création et du maintien des conditions nécessaires à la vie sur Terre, telle que nous la connaissons. Pareille réussite tient au peu de besoins : du soleil, de l’eau et du gaz carbonique.

Figure 1. Evolution du niveau de dioxygène dans l’atmosphère au cours des temps géologiques.La période du Protéozoïque est caractérisée par divers phénomènes successifs (1) la transition d’une atmosphère pratiquement dépourvue de dioxygène vers une atmosphère contenant environ 0,2% de dioxygène (la Grande Oxydation), soit 1% de la teneur actuelle en oxygène (PAL), (2) des périodes de glaciation intense (Terre dite boule de neige) et (3) l’accélération du développement des organismes vivants (algues, animaux, champignons, plantes) avec une forte augmentation de la teneur en dioxygène de l’atmosphère (pour atteindre 21% de nos jours, après être passé par un pic à plus de 30% au Carbonifère). Les processus responsables de l’accumulation de dioxygène dans l’atmosphère sont encore mal compris. Globalement, la teneur en dioxygène de l’atmosphère est la résultante de divers processus : si la production (via la photosynthèse) etla consommation (via la respiration) s’équilibrent actuellement, cela ne fut pas toujours le cas lors des temps géologiques et ce sont les diverses formes de stockage (piégeage, fossilisation…) qui ont fait que la teneur en dioxygène de l’atmosphère a fortement augmenté, en limitant la consommation de dioxygène par la respiration.Le cycle du dioxygène dans la biosphère ne concerne qu’une petite partie (moins de 1%) de l’oxygène de la planète, car l’essentiel est stocké dans la lithosphère .Figure adaptée de Hagemannet al. Photographie de stromatolithes © Paul Harrison via Wikimediacommons.
Figure 1. Évolution du niveau de dioxygène dans l’atmosphère au cours des temps géologiques. La période du Protéozoïque est caractérisée par divers phénomènes successifs (1) la transition d’une atmosphère pratiquement dépourvue de dioxygène vers une atmosphère contenant environ 0,2% de dioxygène (la Grande Oxydation), soit 1% de la teneur actuelle en oxygène (PAL), (2) des périodes de glaciation intense (Terre dite boule de neige) et (3) l’accélération du développement des organismes vivants (algues, animaux, champignons, plantes) avec une forte augmentation de la teneur en dioxygène de l’atmosphère (pour atteindre 21% de nos jours, après être passé par un pic à plus de 30% au Carbonifère). Les processus responsables de l’accumulation de dioxygène dans l’atmosphère sont encore mal compris. Globalement, la teneur en dioxygène de l’atmosphère est la résultante de divers processus. La production (via la photosynthèse) et la consommation (via la respiration) s’équilibrent actuellement. Cela ne fut pas toujours le cas lors des temps géologiques et ce sont les diverses formes de stockage du dioxyde de carbone (piégeage, fossilisation…) qui ont fait que la teneur en dioxygène de l’atmosphère a fortement augmenté, en limitant la consommation de dioxygène par la respiration. Le cycle du dioxygène dans la biosphère ne concerne qu’une petite partie (moins de 1%) de l’oxygène de la planète, car l’essentiel est stocké dans la lithosphère. Figure adaptée de Hagemann et al. Photographie de stromatolithes © Paul Harrison via Wikimedia commons.

Il n’est pas exagéré de dire que l’apparition de la photosynthèse oxygénique figure parmi les événements les plus importants vécus par notre planète. Elle a produit au cours des temps géologiques, et continue de produire, le dioxygène que nous respirons. Elle a permis le développement de formes vivantes multicellulaires et a modifié les caractéristiques physico-chimiques de la Terre. L’apparition de l’ozone a protégé la Terre des rayonnements solaires ultraviolets et provoqua des modifications du climat. Ces changements ont permis une colonisation des continents par de nouvelles formes de vie animale et végétale.

 

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