| Focus 2/2 | Hydrométrie : mesurer les débits d’une rivière, pourquoi et comment ?

Peut-on quantifier les crues du passé ?

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Encyclopédie environnement - hydrométrie - innondation, gravure sur bois 1607

L’analyse de la chronologie et la quantification hydrométrique (i.e. associer un débit et non simplement une hauteur atteinte) des crues passées sont essentielles à la prévention du risque d’inondation. Elles permettent la mise en perspective d’un événement particulier par rapport aux autres inondations possibles et son positionnement sur une échelle d’intensité (faible, moyenne, forte, exceptionnelle).

Pour mener de telles études, on distingue trois sources d’informations différentes selon leur chronologie : (i) contemporaine, basée sur des stations hydrométriques (bien souvent limitée au 20e siècle) ; (ii) archivistique, basée sur des observations directes de la rivière et/ ou des dégâts occasionnés (couvre la période 16e-19e, voire le Moyen Age) ; (iii) antérieure à toute observation humaine, basée sur des indicateurs géologiques et biologiques). Depuis la fin des années 1950, plusieurs études ont été menées, principalement aux Etats-Unis, Chine (pays qui bénéficie d’une histoire importante relativement bien conservée grâce à la mise en place précoce d’une administration) et Europe.

Ces travaux mêlent recherche et analyses d’archives, critique des informations (par exemple, homogénéisation des référentiels dans lesquels ont pu être observés les niveaux des rivières au cours du temps), modélisation hydraulique. Elles associent nécessairement des compétences extrêmement variées d’historien, hydrologue, hydraulicien, géo-morphologue, botaniste, etc.

En Europe, toutes les études menées concourent à identifier la période 1600 (voire 1400)-1900 comme particulièrement active, avec des réalisations non encore dépassées aujourd’hui.

Par exemple sur l’Ardèche, les trois plus fortes crues connues sur la période 1770-2016 sont toutes au 19e siècle (1890 : 7550 m3/s ; 1827 : 6850 m3/s ; 1878 : 5950 m3/s). Sur la période 1917-2016, la crue de 1958 est la plus forte réalisation à 4800 m3/s.

Sur la Loire à Gien (en amont d’Orléans), la plus forte crue de la séquence 1937-2016 (3320 m3/s le 8 décembre 2003) est largement inférieure aux crues de 1846, 1856, 1866 qui ont toutes trois dépassé 7200 m3/s (le rôle des barrages amont construits dans l’intervalle ne pouvant pas expliquer une telle atténuation).

Cette forte activité fluviale de la période correspond à l’entrée puis la sortie du « mini âge glaciaire » qui a affecté l’Europe Occidentale de la Renaissance au début du 19e siècle. Cette «crise fluviale» a été interprétée comme une séquence de transition et par suite de forte irrégularité climatique. Une étude sur la Narmada (Inde) montre par contre une crue de 1961 comme la plus forte depuis au moins 3000 ans.

Le même type d’étude a commencé sur les sécheresses ; là encore, la signature d’événements majeurs généralisés sur l’Europe commence à être identifiée.

 


Lectures complémentaires

R. Naulet, Utilisation de l’information des crues historiques pour une meilleure prédétermination du risque d’inondation. Application au bassin de l’Ardèche à Vallon Pont d’Arc et St Martin d’Ardèche. Thèse, Université Joseph Fourier Grenoble – INRS ETE Québec, 2002.

Glaser & al., Floods in Central Europe since AD 1300 and their regional context, La Houille Blanche N°5-2004.

L. Dezileau & al., Reconstitution des crues du Gardon, La Houille Blanche N°4-2014.

E. Garnier. 500 ans de sécheresse et de chaleurs en France et dans les pays limitrophes, La Houille Blanche N°4-2010.