| Focus 2/2 | Répartition de la biomasse sur la planète

Biomasse des organismes du sol

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1. Les sols sont une ressource vivante

Les sols abritent environ 25 % de la biodiversité de la planète [1],[2]. Une grande fraction des organismes vivants passent une partie plus ou moins importante de leurs cycles de vie dans les sols. Il s’agit d’une myriade de micro-organismes (bactéries, champignons, protozoaires et nématodes, par exemple) et de mésofaune (acariens et collemboles, par exemple), ainsi que de la macro-faune plus connue (vers de terre et termites, par exemple). Ils interagissent entre eux et avec les diverses plantes, les micro-organismes et les animaux de l’écosystème, formant un réseau complexe d’activité biologique (Lire La biodiversité des sols & Les Collemboles : acteurs de la vie du sol).

Les sols sont la base de tout écosystème terrestre : chaque biome possède des sols aux caractéristiques qui lui sont propres. Ils contribuent via un large éventail de services au fonctionnement durable de tous les écosystèmes. Bien que la biodiversité des sols diffère dans les forêts tropicales, les savanes, les pâturages, les toundras, etc., la biomasse globale des sols reste dominée par les mêmes grands taxons : champignons, bactéries et protistes (Tableau 1). [3]

Tableau 1. Répartition de la biomasse en fonction des groupes d’êtres vivants des sols. (exprimée en Gt C). Bien évidement, le carbone contenu dans les organismes vivants ne représente qu’une fraction du carbone de la matière organique des sols (litière, etc…). [Tableau réalisé d’après les données de Bar-On et al. ref. [4] ; Article en libre accès distribué sous licence CC BY-NC-ND 4.0]



2. Un monde dominé par les champignons et les procaryotes

La biomasse microbienne totale du sol de 20 Gt C est principalement constituée de biomasse fongique (≈12 Gt C, une valeur à comparer avec celle des champignons marins ≈0,3 Gt C) [4]. L’estimation de la biomasse fongique mondiale est basée sur deux contributions, l’une provenant des champignons du sol (il y a environ ≈100 mètres d’hyphes fongiques par gramme de sol) [4], et la seconde des symbiotes mycorhiziens associés aux plantes :

  • Les ectomycorhizes sont également des symbiotes fongiques des plantes, mais ils ne pénètrent pas les parois cellulaires de leurs hôtes. On les trouve principalement dans les forêts boréales et de nombreuses forêts tempérées (par exemple, celles dominées par Pinus) [5]. La biomasse totale des champignons ectomycorhiziens est d’environ ≈0,2 Gt C ;
  • Les mycorhizes arbusculaires sont des symbiotes fongiques qui pénètrent la paroi cellulaire de leurs cellules hôtes. Les plantes associées à ce type de champignons prédominent dans les déserts, les prairies, les zones arbustives et les écosystèmes forestiers tropicaux [6]. La biomasse provenant des champignons mycorhiziens à arbuscules représente environ ≈0,15 Gt C.
Figure 1. Quelques organismes représentatifs de la biodiversité du sol. A, bactéries sur un grain de sable (Photo Lewis Lab à Northeastern University © Anthony d’Onofrio / CC BY 2.0, via Wikimedia Commons) ; B, protiste du sol Euglypha sp. [Photo © Sanbongi-bog, de Yamagata CC BY-SA 2.5, via Wikimedia Commons] ; C, nématode du sol de la famille Mononchidae [Photo © Cristina Menta / CC BY 3.0, via Wikimedia Commons] ; D, acarien Nanorchestes [Photo © Janice Haney Carr, Domaine public, via Wikimedia Commons] ; E, ver de terre [Photo © pfly / CC BY-SA 2. 0, via Flickr] ; F, Centipete [Photo © Medsile / CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons] ; G, mycélium ectomycorhizien (blanc) associé aux racines de Picea glauca (brun) [Photo © Jerzy Opioła, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons] ; H, symbiose ectomycorhizienne, montrant les extrémités des racines avec du mycélium fongique du genre Amanita [Photo © Ellen Larsson / CC BY 2.5, via Wikimedia Commons].

Sur les ≈8 Gt C de biomasse procaryote du sol, la majeure partie est due aux bactéries (≈7 Gt C) et seulement environ ≈0,7 % est due aux archées (≈0,5 Gt C) [4]. Il est intéressant de noter que le sol est l’un des 5 principaux habitats des bactéries et des archées (3 × 1029 cellules), les autres étant : le sous-sol océanique profond (4 × 1029), les sédiments océaniques supérieurs (5 × 1028), le sous-sol continental profond (3 × 1029) et les océans (1 × 1029) [7].

Les protistes sont des organismes eucaryotes qui ne sont ni des animaux, ni des plantes, ni des champignons. La plupart d’entre eux appartiennent à des groupes peu connus de parasites, de symbiontes, et de prédateurs en tout genre ; à l’exception du groupe des Métazoaires, on trouve des protistes dans pratiquement tous les groupes d’Eucaryotes [8]. La biomasse des protistes du sol s’élève à ≈1,5 Gt C.

Les vers de terre sont les espèces du sol les plus voyantes ; leur densité est très variable selon les biomes et la profondeur. L’estimation de leur biomasse est de ≈0,2 Gt C. Environ la moitié de la biomasse des nématodes, un phylum animal contenant à la fois des espèces marines et terrestres, se trouve dans le sol (≈0,01 Gt C).

La biomasse des arthropodes terrestres (≈0,2 Gt C) est répartie en quantité presque identiques dans la canopée, la litière et le sol stricto sensu.

3. Distribution en profondeur de la biomasse du sol

La biomasse du sol est distribuée dans les divers horizons depuis la surface du sol, où se trouve la litière, jusqu’à plusieurs mètres de profondeur. De nombreuses données sur la biomasse de la faune du sol peuvent contenir des mesures des communautés du sol et de la litière. Le poids total du sol est ≈400 fois plus important que le poids de la litière (la litière pèse ≈0,5 kg m-2, et la section de sol concernée pèse ≈200 kg m-2).

Figure 2. Dans un sol, la majeure partie de la biomasse se trouve dans les ≈10-20 cm supérieurs, mais la biomasse microbienne est largement présente plus en profondeur. [Photo © Michael Dennis Stagg, cc-by-sa/2.0 ; via geograph.org.uk/p/3046082]
La litière est composée de matériel végétal mort et en décomposition (principalement des feuilles et des brindilles) qui sont tombés sur le sol (Lire La place des sols dans le cycle du carbone). En plus de la matière végétale en décomposition, la litière contient des microbes et une faune (procaryotes, protistes, champignons, nématodes, annélides et arthropodes).

  • Les litières végétales correspondent à environ ≈80 Gt C.
  • La biomasse microbienne (bactéries, archées, champignons et protistes) de la litière est estimée à moins de 1% de la masse totale de carbone organique de la litière. Cela signifie que la quantité de biomasse microbienne dans la litière ne dépassera pas 1 Gt C, soit moins de 10 % de la biomasse totale des microbes du sol.

Ainsi, la contribution des microbes de la litière n’affecte pas de façon spectaculaire les estimations de la biomasse totale des procaryotes, des protistes ou des champignons du sol [3].

La majeure partie de la biomasse de la plupart des organismes vivants se trouve dans les ≈10-20 cm supérieurs du sol. Les estimations de la biomasse du sol incluent également la contribution à la biomasse des nématodes et des annélides de la litière (Lire La biodiversité des sols).

Cependant, plusieurs études ont analysé la biomasse microbienne (qui comprend à la fois les champignons et d’autres microbes tels que les procaryotes) à une plus grande profondeur dans les sols forestiers et autres. Les cellules bactériennes en dessous de 1 mètre de profondeur constituent ≈15-≈30% de la quantité totale de cellules bactériennes dans les sols : les densités cellulaires varient dans une fourchette de 4×107 (forêts) à 2×109 cellules par gramme de sol dans le premier mètre de sol à et une densité de 106 à 108 cellules par gramme de sol pour 1-8 mètres de profondeur.

Le sous-sol continental profond, qui comprend le sous-sol terrestre à plus de 8 mètres sous le niveau du sol, est dominée par les bactéries et les archées Leur estimation quantitative reste très délicate.

 


Notes et références

Image de couverture. Photo de ver de terre © pfly via Flickr, licence CC BY-SA 2.0, Source: https://www.flickr.com/photos/24934185@N00/128621319/

[1] FAO soil portal. http://www.fao.org/soils-portal/soil-biodiversity/en/

[2] European Soil data center (ESDAC). https://esdac.jrc.ec.europa.eu/themes/soil-biodiversity

[3] Bar-On Y.M., Phillips R. & Milo R. (2018) The biomass distribution on Earth. Proc. Nat. Acad. Sci. U.S.A. 115:6506-6511; DOI: 10.1073/pnas.1711842115

[4] Bardgett R.D. & van der Putten W.H. (2014) Belowground biodiversity and ecosystem functioning. Nature 515(7528):505–511.

[5] Shi M., Fisher J.B., Brzostek E.R. & Phillips R.P. (2016) Carbon cost of plant nitrogen acquisition: global carbon cycle impact from an improved plant nitrogen cycle in the Community Land Model. Glob Chang Biol 22(3):1299–1314.

[6] Terrer C., Vicca S., Hungate B.A., Phillips R.P. & Prentice I.C. (2016) Mycorrhizal association as a primary control of the CO₂ fertilization effect. Science 353(6294):72–74.

[7] Flemming, H.-C. & Wuertz, S. (2019) Bacteria and archaea on Earth and their abundance in biofilms. Nat. Rev. Microbiol. https://doi.org/10.1038/s41579-019-0158-9

[8] Vincent F. (2019) Plancton, la nouvelle frontière, Planet Vie