| Focus 1/1 | Restaurer les savanes et les écosystèmes herbacés tropicaux

Le biome Cerrado

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1. Un ensemble unique d’écosystèmes au cœur de l’Amérique du Sud

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Figure 1. Schéma présentant différentes physionomies du Cerrado, présentant plus ou moins d’arbres et arbustes. Attention, ici il s’agit de représenter différentes physionomies présentent dans le Cerrado, il ne s’agit pas de représenter une succession écologique. Les physionomies dépendent entre autre des nutriments, de la profondeur du sol et de la fréquence de feux. [Source : schéma © S. Le Stradig & E. Buisson, tout droits réservés]
Le terme Cerrado, au sens large désigne le biome* Cerrado. Il couvre environ 2 millions de km2 du centre du Brésil, soit environ 23% de la surface terrestre du pays (environ 3,6 fois la France métropolitaine). On retrouve également de petites surfaces du Cerrado en Bolivie et au Paraguay. En termes de surface, il s’agit de la deuxième formation végétale la plus importante au Brésil après la forêt amazonienne (48 % du Brésil).

Un biome étant un ensemble d’écosystèmes, on va retrouver différents écosystèmes dans le biome Cerrado, parfois de la forêt comme les forêts de galerie en bord de rivières ou les forêts sèches (mata seca) mais les végétations prédominantes sont les savanes et pelouses tropicales. Dans le langage courant, le Cerrado désigne donc la savane Brésilienne. Il présente différentes physionomies définies en fonction de la quantité d’arbres (Figure 1) :

  • Ecosystèmes avec une végétation très ouverte : les campos limpos, campos rupestres ;
  • Ecosystèmes présentant une couverture d’arbres et d’arbustes plus importante : le campos sujos, campo cerrado, le Cerrado sensu stricto ;
  • le Cerradão qui est lui considéré comme une forêt, en absence d’un couvert herbacé continu.

Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer cette variation de physionomies notamment la disponibilité en nutriments et l’accès à l’eau, les régimes de feu ou encore la teneur en aluminium dans le sol. Il est vraisemblable que les interactions entre les différents facteurs entrent en jeu pour définir les différentes physionomies.

2. Biodiversité : la savane la plus riche du monde

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Figure 2. Quelques exemples de la faune du Cerrado. A, Jaguar (Panthera onca) ; B, loup à crinière (Chrysocyon brachyurus) ; C, fourmilier géant (Myrmecophaga tridactyla) ; D, tatou jaune (Euphractus sexcinctus) ; E, nandous d’Amérique (Rhea americana). [Source : A, Cburnett / CC BY-SA 3.0 ; B, Calle Eklund/V-wolf / CC BY-SA 3.0 ; C, Wallpaper Flare ; D & E, Charles J Sharp / CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons]
Le Cerrado est la savane la plus riche du monde, on y compte plus de 160 000 espèces de plantes, d’animaux et de champignons, dont 12 000 espèces végétales à l’heure actuelle. On considère que 5% de la biodiversité de la planète se trouve dans le Cerrado, et environ 30 % de la biodiversité du Brésil. Il est aujourd’hui considéré comme un hot-spot (point-chaud) de biodiversité : c’est-à-dire une région très riche en biodiversité et prioritaire pour la conservation en raison du niveau de dégradations auquel il doit faire face. Parmi les animaux emblématiques on peut citer le Jaguar (Panthera onca), le puma (Puma concolor), le fourmilier géant (Myrmecophaga tridactyla), le tatou jaune (Euphractus sexcinctus), le tatou-boule (Tolypeutes tricinctus), le loup à crinière (Chrysocyon brachyurus) ou encore les nandous d’Amérique (Rhea americana) (Figure 2).

3. L’eau du Cerrado

Le Cerrado joue un rôle majeur au Brésil dans l’approvisionnement en eau et le contrôle de la qualité de l’eau, il est parfois surnommé à ce titre de « caisse d’eau » du Brésil, « berceau des eaux du Brésil » ou « arc des sources ». La végétation du Cerrado évite une interception trop importante de l’eau par le feuillage (comme c’est souvent le cas en forêt), permet une rétention et une infiltration efficace de l’eau dans les sols et une filtration de l’eau qui alimente nappes et fleuves.

Centrale hydroélectrique Itaipu
Figure 3. Centrale hydroélectrique d’Itaipu, sur le Rio Paraná, à la frontière entre Brésil et Paraguay. [Photo © International Hydropower (CC BY 2.0)]
Plusieurs têtes de bassins hydrographiques du Brésil sont concentrés dans le Cerrado et c’est également là que prennent source et sont alimentés de nombreux grands fleuves d’Amérique du sud comme par exemple le Rio Xingu, un affluent de l’Amazonie, le Rio São Francisco (90% de ses affluents prennent naissance dans le Cerrado) ou encore le Rio Tocantins et son affluent le Rio Araguaia, le Rio Paraguai et Paraná. Les eaux de ses fleuves et de leurs affluents alimentent de nombreuses usines hydroélectriques au Brésil, par exemple la centrale hydroélectrique d’Itaipu (Figure 3), sur le Rio Paraná, une des plus grandes usines hydroélectriques du monde, le barrage de Tucuruí, sur le rio Tocantins, ou encore l’usine de Belo Monte sur le Xingu.

En plus de cela la végétation du Cerrado participe également de manière importante à l’alimentation de l’aquifère Guarani, un des plus grands aquifères de la planète. Il va sans dire que les eaux du Cerrado sont également très importantes pour l’agriculture.

4. Menaces sur le Cerrado

Bien qu’il héberge une biodiversité incroyable, le Cerrado est l’un des biomes les plus menacés d’Amérique du Sud car les principaux efforts de conservation se concentrent essentiellement sur la forêt amazonienne (4,2 millions de km²) et la forêt atlantique (1,1 million de km²). Aujourd’hui seule une petite surface du Cerrado est sous protection légale, environ 2,2%, bien qu’il soit confronté à des changements drastiques d’utilisation des terres. Entre 1990 et 2010, le Cerrado a perdu 265 595 km2 (soit 48% du territoire français); dans la seule période entre 2002 et 2009 c’est 92 712 km2 (15% de la France) d’écosystèmes naturels qui ont été convertis en terres agricoles, ce qui représente une baisse de 8,1% contre 3,1% en Amazonie [1],[2]. Depuis quatre décennies, le développement de l’élevage et de l’agriculture intensive a exacerbé les inégalités sociales, les pertes de biodiversité, la fragmentation du paysage, les invasions biologiques, l’érosion des sols, la pollution de l’eau et la dégradation des terres. Actuellement, certaines politiques conçues pour séquestrer le carbone, comme les systèmes de paiement REDD+, menacent les physionomies ouvertes de Cerrado par des projets de boisement.


Notes et références

Vignette de couverture. Ipê-amarelo, Ipê do Cerrado, Handroanthus ochraceus, ou arbre de trompette d’or, arbre à fleurs jaunes emblématique du Cerrado du Brésil. [Source : Photo © S. Le Stradic]

[1] Beuchle, R., Grecchi, R.C., Shimabukuro, Y.E., Seliger, R., Eva, H.D., Sano, E., & Achard, F. 2015. Land cover changes in the Brazilian Cerrado and Caatinga biomes from 1990 to 2010 based on a systematic remote sensing sampling approach. Applied Geography 58:116–127.

[2] Espírito-Santo, M.M., Leite, M.E., Silva, J.O., Barbosa, R.S., Rocha, A.M., Anaya, F.C., & Dupin, M.G. V. 2016. Understanding patterns of land-cover change in the Brazilian Cerrado from 2000 to 2015. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences 371:20150435.