| Focus 2/3 | Apprendre à vivre avec les rivières, une question de géomorphologie

Différentes branches au sein de la géomorphologie

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La géomorphologie historique s’intéresse à l’évolution des formes sur les derniers siècles, principalement en lien avec les différents types de pressions humaines. Elle s’appuie beaucoup sur des documents d’archives. Les paléo-environnementalistes ou géoarchéologues, des géomorphologues du temps long, explorent ces mêmes évolutions sur plusieurs millénaires, distinguant les facteurs de contrôle relevant des activités humaines, de ceux résultant des dynamiques climatiques naturelles. Ils utilisent généralement des carottes sédimentaires qu’ils prélèvent dans les plaines alluviales et les anciens bras et sur lesquelles ils conduisent de multiples analyses (étude des pollens, des macro-restes, des coquilles, des métaux et autres polluants…).

La géomorphologie dite dynamique aborde les mécanismes, les processus qui régissent les formes. Une bonne partie de la communauté s’appuie sur les lois de la physique pour expliquer la dynamique des lits fluviaux à la suite des travaux de Wolman. On parle parfois d’une approche réductionniste, s’efforçant de réduire la complexité des phénomènes pour identifier les processus dominants ou le rôle respectif de chacun d’eux. Dans ce cadre, l’expérimentation est largement développée qu’elle soit in situ ou ex situ. De nombreux travaux s’appuient ainsi sur des modèles physiques, des chenaux artificiels. Le recours à la modélisation numérique “morphodynamique” est également un champ important du domaine. Il s’agit alors de reconstituer le changement de la géométrie d’un lit à partir de formules mathématiques qui intègrent  l’écoulement de l’eau et le transport solide au cours d’une période de temps et leur incidence sur cette géométrie.

La géomorphologie statistique constitue un domaine émergeant  qui permet d’explorer la complexité dans toutes les dimensions d’un système fluvial et de comprendre la diversité des phénomènes selon les différents contextes spatio-temporels. Elle explore notamment les effets d’échelle dans une perspective dite holistique.  Elle s’appuie bien souvent sur des démarches comparatives entre les tronçons ou les bassins versants pour identifier des seuils de changement ou les facteurs clés expliquant ces changements. Elle permet par exemple d’évaluer l’effet des changements de l’occupation des sols, (déboisement, reboisement, urbanisation), ou encore d’aménagements (barrages, digues, seuils) ou de pratiques (extractions de granulats, curage, entretien du lit) sur les flux d’eau et de sédiments et in fine sur la géométrie des lits fluviaux.

Les démarches réductionniste et holistique se complètent afin d’aborder la complexité fluviale du grain aux grands ensembles hydrographiques régionaux.

Le domaine s’enrichit à ses interfaces également. Certains parlent d’hydromorphologie, d’écogéomorphologie, de biogéomorphologie ou encore de sociogéomorphologie (fluviale). Ces termes retranscrivent l’émergence de nouveaux champs scientifiques explorés entre deux champs disciplinaires existants. En effet, les dynamiques écologiques (ou biologiques) peuvent influencer les caractères d’un lit fluvial, voire son évolution. Elles sont également influencées par celui-ci. Un lit fluvial s’inscrit dans un territoire généralement humanisé et il est alors bien souvent au cœur d’enjeux opérationnels. C’est ce qu’aborde la socio-géomorphologie par exemple.

 


Image de couverture. © Agence de l’eau RMC