| Focus 1/1 | Comment concilier barrages et transport des sédiments ?

Quelques exemples de gestion des sédiments

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En France, les méthodes généralement envisagées et mises en œuvre sont le curage des sédiments qui peuvent être éventuellement épandus sur les terres environnantes à des fins d’amendement. Néanmoins, la qualité des sédiments doit être avérée (via des analyses pertinentes et robustes au préalable) et cette solution entraine des coûts importants opérationnels et de transport.

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Figure 1. Représentation schématique et illustrations d’une gestion des sédiments par chasse d’hydrocurage (© adapté de Frémion). La photo en haut à droite représente le stade d’ouverture maximale des vannes (photo © F. Frémion), la photo en bas à droite, le déversement d’eaux claires en fin d’opération (© photo F. Bordas).

L’accumulation des sédiments peut aussi être gérée par opération de transparence vis-à-vis du transport sédimentaire, dénommé également chasse d’hydrocurage comme cela est réalisé par exemple sur grand nombre de barrages Alpins (e.g. sur l’Arc, le Rhône) depuis une trentaine d’années. On parle de transparence car lors de ces opérations, le transport des sédiments n’est plus bloqué par le barrage et reprend son fonctionnement naturel pendant quelques heures. Il s’agit, en périodes de hautes eaux – en France, en période hivernale, quand la pluviométrie est importante -, d’ouvrir progressivement les vannes de fond du barrage afin de laisser circuler les sédiments au travers de l’ouvrage. Ce matériel sédimentaire va être dilué au sein du cours d’eau grâce aux forts débits (débits torrentiels) (Figure 1)[1]. Les vannes vont par la suite être progressivement refermées et le réservoir se remplir et ce, jusqu’à ce qu’il y ait débordement de l’eau par-dessus le réservoir (déversement d’eaux claires) permettant de finir la dilution des sédiments et de nettoyer le cours d’eau en aval. Ce genre d’opération est strictement réglementé et impose un suivi en continu pendant toute l’opération (quelques heures) notamment vis-à-vis de paramètres physico-chimiques comme la charge en suspension ou encore la concentration en oxygène. Ce suivi permet l’arrêt d’une telle opération dès lors qu’un des paramètres mesurés dépasse les seuils réglementaires préalablement définis.

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Figure 2. Représentation schématique de gestion des sédiments par sluicing et drawdown flushing, les pointillés représentent une eau chargée en sédiments (© AGU, adapté de Kondolf).

D’autres techniques alternatives peuvent être mises en œuvre, notamment le sluicing – opération proche des opérations de transparence décrites précédemment et réalisée dès lors que les volumes de sédiments sont importants, ou le drawdown flushing, opération qui se rapproche plus des opérations de vidanges à vocation d’évacuation sédimentaire (Figure 2)[2].

Lors des opérations de sluicing, comme pour les opérations de chasse d’hydrocurage, le niveau du réservoir est abaissé en périodes de hautes eaux ce qui va permettre à l’eau et aux sédiments d’être acheminés vers les vannes de déversement à grande vitesse. La réalisation d’opérations de sluicing et de chasse d’hydrocurage dépend des caractéristiques hydrologiques du bassin versant et de la taille du réservoir concerné. Ces deux opérations ont toutes deux des impacts faibles sur les écosystèmes aquatiques.

Quant aux opérations de drawdown flushing, il s’agit d’abaisser totalement le niveau d’eau dans le réservoir, opération qui s’effectue en périodes de basses eaux souvent juste avant la saison des crues. Il s’agit d’affouiller et de remettre en suspension les sédiments déposés au sein du barrage pour les transporter vers l’aval. Lors de ce genre d’opération, seuls les sédiments fins au centre du chenal du réservoir (chenal d’origine de la rivière) vont être érodés et transportés, les sédiments latéraux n’étant généralement pas ou peu évacués. Ces opérations sont très efficaces pour des configurations de vallées étroites et de petits réservoirs ainsi que pour des cours d’eau à débits saisonniers très contrastés. Elles sont pratiquées dans de nombreux pays dont la France, sur le Rhône par exemple, mais elles peuvent cependant avoir des effets préjudiciables sur les écosystèmes aquatiques (jusqu’à 60% de mortalité chez les poissons adultes[3].

 


Références et notes

Images de couverture. Le barrage-poids de Sanmenxia sur le fleuve jaune en Chine. [Source : Licence CC BY-SA, issu de : https://alchetron.com/Sanmenxia-Dam]

[1] Frémion, F. (2016). Dynamique des flux sédimentaires et des éléments métalliques en lien avec l’exploitation courante et exceptionnelle d’un barrage hydroélectrique. Thèse de doctorat en Sciences pour l’Environnement, Université de Limoges.

[2] Kondolf, G.M., Gao, Y., Annandale, G.W., Morris, G.L., Jiang, E., Zhang, J., et al. (2014) Sustainable sediment management in reservoirs and regulated rivers: Experiences from five continents. Earth’ s Future, 2, 256–280

[3] Grimardias, D., Guillard, J., Cattanéo, F., (2017). Drawdown flushing of a hydroelectric reservoir on the Rhône River: Impacts on the fish community and implications for the sediment management. Journal of Environmental Management, 197, 239-249