| Focus 1/1 | Des barrages sur les torrents, pourquoi ?

Comment stabiliser les lits des torrents par des barrages ?

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1. Stabilisation des lits des torrents

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Figure 1. Stabilisation du lit : Schéma d’un profil en travers de torrent montrant l’effet des érosions du profil en long et l’origine de certaines respirations du lit: a) érosion du lit entrainant un abaissement de son niveau, cette érosion entraine b) des instabilités latérales; ces deux processus étant stabilisés par c) la mise en place d’un barrage adapté: bâti au-dessus du lit initial, empêchant l’érosion et les déstabilisations de berges et déplaçant l’axe du lit vers la berge la moins sensible à l’érosion [Source : © Piton]
La stabilisation des lits des torrents est la plus répandue des fonctions des barrages de correction torrentielle. Elle vise à prévenir les érosions longitudinales et/ou latérales. La reprise spontanée ou artificielle de la végétation est un effet direct de la stabilisation du lit par les barrages. Le mécanisme de couplage entre stabilisation du lit et reprise de la végétation de berge pourrait être résumé ainsi : les incisions dans les lits des torrents  (figure 1a) entraînent régulièrement des glissements de berge (figure 1b), empêchant la fixation durable de la végétation. Après l’atterrissement des barrages, les incisions marquées ne peuvent plus avoir lieu, stabilisant ainsi les pieds de berges et diminuant leur pente ; ces pentes plus stables sont alors plus propices à l’installation de la végétation (figure 1c).

2. Consolidation des versants

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Figure 2. Consolidation de versants : profils en travers du lit d’un torrent. Rappels de l’existence (a) d’érosion / dépôt vertical entrainant une variation régulière du niveau du lit (ΔZ) ; (b) du rôle des barrages de stabilisation fixant se niveau moyen du lit sensiblement dans sa zone de variation, (c) par opposition aux barrages de consolidation qui sont localisé à proximité de glissements de terrains au niveau desquels ils surélèvent significativement le niveau du lit du torrent (surélévation >> ΔZ). En (d), le profil en long illustre la différence entre le profil AA’ stabilisé et le profil BB’ consolidé. [Source : © Piton]
Les glissements de terrain sont des sources majeures de sédiments dans les torrents. L’activation de ces instabilités de versants est significativement contrôlée par l’état de leur butée de pied, c’est à dire par l’érosion du fond de vallée. Les barrages de consolidation de versant ont pour mission spécifique de combattre et d’inverser cette tendance : élever significativement le niveau du lit (figure 2c et d) à travers un barrage ou une série de barrages vise à consolider le pied de versant et à ralentir l’activité du torrent.

La stabilisation du lit a un effet équivalent sur les berges (figure 2a et b), mais elle maintient le niveau corrigé sensiblement au niveau moyen du lit  (ce niveau n’est pas constant mais varie naturellement par des cycles dépôts – érosions, nommés «respirations torrentielles»).

3. Réduction de la pente

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Figure 3. Réduction de la pente : schéma d’un dépôt en amont d’un barrage : ce dernier est constitué de matériaux plus fins, usuellement transportés, qui sont plus mobiles et se déposent donc sur une pente moins forte que les gros blocs du pavage. [Source : © Piton]
Le lit de la plupart des torrents est partiellement constitué ou pavé de gros blocs issus des versants et peu mobilisés par les écoulements (blocs gris clair sur la figure). Sa pente est alors plus raide que la pente d’équilibre alluvionnaire qui serait représentative de la granulométrie réellement transportée (galets gris foncé sur la figure). Les barrages de correction torrentielle étant usuellement bâtis avec un niveau calé au-dessus du lit initial pour des raisons pratiques de construction et pour un effet local de consolidation des berges, il en suit généralement la formation d’un tronçon amont alluvionnaire conduisant à une réduction de la pente. La pente d’équilibre devient inférieure à la pente initiale. Ce phénomène intéresse la correction torrentielle puisque des pentes plus faibles génèrent des écoulements moins énergétiques, diminuant ainsi de nombreux problèmes liés aux crues torrentielles (volume et granulométrie de transport, érosions, etc.).

4. Rétention sédimentaire

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Figure 4. Rétention sédimentaire : dépôt de sédiment dans le tronçon amont d’un barrage engendrant le stockage définitif d’un volume donné de sédiment (gris foncé). [Source : © Piton]
Le comblement des tronçons situés en amont des barrages piège durablement les sédiments transportés. Cette rétention des sédiments est présente mais généralement secondaire sur tous les ouvrages (le volume stocké est très faible comparé au volume transporté par le torrent sur la durée de vie de l’ouvrage). Il existe toutefois quelques ouvrages, appelés barrages de rétention, bâtis spécifiquement pour piéger un volume maximum de sédiments dans leur zone d’atterrissement.

Une fois que l’ouvrage est complètement atterri, de nouveaux barrages ont éventuellement pu être bâtis près de l’ouvrage principal pour prolonger le comblement du vallon amont. Le développement des engins de terrassement a rendu possible le curage des ouvrages après chaque crue, rendant l’implémentation de nouveaux grands ouvrages de rétention assez rare.

5. Régulation du transport solide

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Figure 5. Régulation du transport solide : profils en long illustrant la différence de propagation des érosions verticales du lit. Etapes allant de ① à ③. Dans le cas (a) sans barrage, l’épisode d’érosion peut se propager loin en amont, lissant le profil. Dans le cas (b) avec barrage, l’épisode d’érosion ne peut pas se propager dans le tronçon amont parce que le niveau amont est fixé par la crête du barrage (point dur ❶). L’érosion du tronçon aval peut par contre se développer plus en profondeur contre le barrage (au niveau ❷) puisque le lit en amont n’est plus déstabilisé et ne fournit donc pas de matériaux comblant la zone érodée comme dans le cas (a). N.B. Seuls les volumes érodés sont représentés, et non les volumes déposés dans un esprit de simplicité. [Source : © Piton]
Les lits de torrents montrent des fluctuations naturelles de granulométrie, de pente, de section en travers et de niveaux du lit, c’est à dire de stockage sédimentaire. Ce sont les fameuses « respirations torrentielles ». Elles sont naturelles dans la cascade sédimentaire et peuvent être influencées par l’hydrologie, la (dé)connectivité sédimentaire, la granulométrie et les fluctuations intrinsèques du processus de transport solide. Elles se manifestent par des épisodes d’érosions et de dépôts dans le lit. La création de points fixes dans le profil en long interdit la propagation des érosions régressives et dépavages (Figure 5).

Les tronçons situés entre barrages deviennent ainsi des compartiments semi-indépendants (ils reçoivent toujours les flux amont mais les changements dans le niveau du lit n’influence plus le compartiment amont).

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Figure 6. Régulation du transport solide : profils en long illustrant les zones de rétention temporaire (en vert) entre les pentes minimum et maximum de dépôt qui varient dans le temps. Ce phénomène complète la rétention sédimentaire. [Source : © Piton]
Ces compartiments indépendants stockent des sédiments pendant les périodes de fort transport et libèrent des matériaux par la suite, créant des zones de stockage temporaire entre ouvrages (Figure 6), régulant ainsi les épisodes de fort transport. Cette tendance a poussé certains praticiens à considérer que les barrages sont particulièrement utiles à la correction torrentielle parce qu’ils délivrent « au détail », ce que le torrent livrait trop brutalement « en gros ».