L’érosion des sols : une histoire de fluide et de grains
PDFIl n’est pas de matériau si dur qu’il puisse résister à l’assaut du temps sans s’éroder. L’eau et le vent sculptent patiemment tous les obstacles qui se dressent sur leur passage, qu’ils soient naturels ou construits par l’Homme. La question de l’érosion d’un sol par un écoulement d’eau en surface ou en profondeur est abordée ici à travers la problématique de la résistance des digues et barrages en remblai à des infiltrations d’eau ou à des écoulements d’eau à leur surface. Une typologie des différents mécanismes d’érosion possibles est proposée. La caractérisation des propriétés de résistance d’un sol à l’érosion est ensuite évoquée, ainsi que quelques règles de conception permettant de freiner l’érosion. Les concepts évoqués dans cet article sont illustrés par des exemples de désordres observés sur des ouvrages réels, ainsi que par des expériences au laboratoire et sur le terrain, et par des simulations numériques.
1. Éternelle compétition entre sol, air et eau
L’eau et le vent façonnent nos paysages. Aux larges échelles, l’eau tombe sous forme de précipitations dont l’intensité peut déstructurer les sols et les emporter par ruissellement. L’eau forme ensuite des torrents et des rivières qui, en transportant d’énormes quantités de sédiments, incisent le paysage en y créant des vallées. Le long du littoral, les assauts répétés des vagues modifient le trait de côte au gré des tempêtes. Au gré des bourrasques, le vent déplace des dunes et soulève des nuages de poussière qui se redéposent parfois plusieurs milliers de kilomètres plus loin (le sable du Sahara est par exemple capable de traverser l’Atlantique).
A plus petite échelle, l’érosion des sols est une histoire de fluide (air ou eau) et de grains, car un sol peut être vu comme un matériau granulaire composé de grains en interactions plus ou moins complexes entre eux (Lire : Comment la matière se déforme : des fluides et des solides). Un écoulement exerce des efforts mécaniques sur ces grains et peut, s’il est suffisamment intense, déstructurer le sol qui perd alors de la matière, emportée par l’écoulement.
En construisant digues et barrages, l’Homme a pu maîtriser de mieux en mieux les impacts de l’eau sur son environnement. Si l’on a aujourd’hui souvent l’image d’ouvrages en béton, il faut savoir que la plupart des digues et barrages existant sont en remblais, c’est-à-dire en terre compactée. Ces ouvrages nous protègent par exemple des assauts des crues et tempêtes mais ils peuvent aussi nous garantir une ressource en eau (eau potable ou d’irrigation) et en énergie. Comme toute construction humaine, ils ne sont pas indestructibles et ils sont soumis eux aussi aux phénomènes d’érosion. Dans cet article, nous proposons de présenter la question de l’érosion des sols sous l’angle particulier de l’érosion des digues et barrages (Figure 1). En ce sens, l’article ne se veut pas exhaustif et laisse de côté de nombreuses problématiques qui concernent par exemple la désertification des sols ou l’érosion des terres agricoles [1]. Il présente néanmoins des mécanismes d’érosion des sols loin d’être spécifiques aux seules digues et barrages ainsi que les stratégies développées pour les étudier et en limiter les effets.
2. Différents modes d’érosion des digues et barrages
A l’échelle d’un ouvrage, l’érosion sous l’effet d’un écoulement d’eau se classe en deux grandes familles de phénomènes. Si l’eau érode les parties visibles de l’ouvrage, on parle d’érosion externe. A l’inverse, si l’eau érode des parties invisibles de l’ouvrage ou de sa fondation, on parle d’érosion interne [2]. Il est à noter, et nous y reviendront un peu plus loin que les termes « externe » et « interne » renvoient à l’ouvrage et non au matériau. A l’échelle du matériau, l’érosion se produit soit en surface du matériau, soit directement dans son volume selon les situations.
Érosion interne et externe sont responsables respectivement d’environ 50 % et 45 % des ruptures de barrage en remblais selon des statistiques mondiales [3]. Mais les conditions de leur occurrence, ainsi que leur vitesse de développement et leurs conséquences en termes de fragilisation des ouvrages qu’elles affectent sont encore des questions largement ouvertes, et de nombreux travaux de recherche sont aujourd’hui en cours sur le sujet. En l’état actuel des connaissances, il n’est ainsi pas possible de justifier par un calcul la résistance d’un barrage en remblai en cas de débordement incontrôlé de la retenue, même si l’expérience montre que le barrage peut résister à condition que le débordement ne dure pas trop longtemps.
En ce qui concerne l’érosion interne, les travaux menés depuis une quinzaine d’années ont abouti à une classification, largement partagée dans la communauté scientifique, en quatre mécanismes [4]. On distingue ainsi l’érosion régressive, l’érosion de conduit, l’érosion de contact et la suffusion.
- L’érosion régressive correspond à l’entraînement depuis l’aval du matériau au niveau de l’exutoire de l’écoulement interne. Elle se déclenche sous l’effet d’un écoulement interne au sol qui débouche perpendiculairement à l’interface sol/eau et se manifeste par l’apparition de bouillonnements appelés « sand boils » en anglais (Figure 2). Si l’écoulement est trop intense, les grains de sol les plus proches de la surface sont emportés. L’eau chargée de particules en suspension jaillit du sol. En ralentissant, les particules se redéposent et on observe souvent de petits monticules semblables à des volcans miniatures. Si le phénomène perdure dans le temps, les particules déposées proviennent de zones de plus en plus lointaines et, de proche en proche, un conduit d’érosion se creuse depuis l’aval vers l’amont.
- L’érosion de conduit (ou érosion par écoulement concentré) correspond à l’élargissement d’un conduit préexistant [5], comme par exemple un terrier, une fissure, un mauvais compactage le long d’une canalisation ou encore un conduit laissé par la décomposition de racines. L’eau qui s’écoule dans le conduit exerce sur ses bords des efforts de cisaillement qui peuvent arracher du matériau en surface si l’écoulement est suffisamment intense. Le diamètre du conduit grossit ainsi petit à petit, laissant passer un débit d’eau de plus en plus important qui va entretenir le phénomène jusqu’à rencontrer un matériau plus résistant ou bien jusqu’à observer l’effondrement du conduit (Figure 3).
- L’érosion de contact se produit au niveau d’une interface entre un sol fin et un sol plus grossier lorsque de l’eau s’écoule soit parallèlement à l’interface, soit depuis le matériau fin vers le matériau grossier. Lorsque l’écoulement est suffisamment intense, le matériau fin peut être érodé si les grains qui le composent sont suffisamment petits pour se faufiler entre les gros grains du second matériau. Si les couches de matériaux sont disposées à l’horizontale, l’érosion de contact provoque généralement des tassements (Figure 4).
- La suffusion correspond à l’érosion sélective des plus petits grains d’un sol. Dans un matériau granulaire (Lire : Le sable : fluide ou solide ?), tous les grains ne sont pas sollicités de la même manière pour reprendre les efforts mécaniques qui s’appliquent sur le sol. Seule une petite fraction des grains (de l’ordre de 20 % à peine) transmet les principaux efforts mécaniques. Les autres grains sont peu contraints et peuvent alors être facilement mis en mouvement par un écoulement interne d’eau. Si la granulométrie (i.e. la répartition des tailles des grains) est telle que les plus petits grains du sol peuvent circuler entre les plus gros grains de ce même sol, une fraction du sol va pouvoir s’éroder sous l’effet de cet écoulement interne. Le sol en place devient alors de plus poreux jusqu’à éventuellement s’effondrer sur lui-même ou favoriser la mise en place d’autres mécanismes d’érosion au fur et à mesure de l’intensification de l’écoulement. En pratique, ce mécanisme est difficile à mettre en évidence car les traces de la suffusion sont peu visibles avant une rupture et sont ensuite complètement effacées par la rupture. On peut néanmoins mettre en évidence le phénomène en laboratoire.
Les mécanismes d’érosion interne, qui se déroulent pourtant à l’abri des regards sous la surface des sols, sont aujourd’hui bien identifiés. On ne peut pas en dire de même de l’érosion externe, certainement parce que sa typologie est plus variée et que les écoulements fluides considérés sont souvent très turbulents. A ce jour, aucune classification de l’érosion externe n’est stabilisée. On peut malgré tout évoquer à titre d’exemple l’érosion par surverse, l’érosion de rive, l’érosion par jet plongeant et l’érosion par batillage ou franchissement. A noter que les dénominations proposées dans cet article sont personnelles et seront certainement amenées à évoluer en fonction des résultats de travaux de recherche en cours (Figure 5).
- L’érosion par surverse correspond au débordement du niveau d’eau par-dessus la crête d’une digue ou d’un barrage. Il en résulte un écoulement intense à la surface du sol. Les efforts de cisaillement exercés par l’eau peuvent alors arracher des grains et les entrainer avec elle. C’est certainement le mécanisme d’érosion le plus redouté et le plus spectaculaire vis-à-vis de la rupture des barrages ou des digues en remblai.
- L’érosion de rive concerne principalement les digues fluviales soumises à l’action du courant de la rivière et plus généralement les berges des rivières. Dans ce cas, l’eau s’écoule parallèlement à l’axe de l’ouvrage. Même si localement l’interaction fluide/grains est similaire à la surverse (un écoulement d’eau à la surface du sol), l’érosion de rive mets en jeu des efforts de cisaillement moins intenses. Ils sont en revanche plus constants dans le temps et peuvent fragiliser à long terme la digue ou la berge qui les subit.
- L’érosion par jet plongeant correspond à l’action d’un jet d’eau sur le sol suite, par exemple, au débordement par-dessus une structure rigide. Ce type d’écoulement concentré, qui impacte le sol perpendiculairement à sa surface, va creuser localement le sol. Une fois le processus amorcé, les recirculations d’eau et les remous à l’œuvre dans la cuvette peuvent contribuer à entretenir le phénomène. Si ce phénomène se produit en pied aval d’un barrage, il peut remonter sous l’ouvrage. On parle alors d’affouillement local.
- L’érosion par batillage ou par franchissement sont deux formes d’érosion provenant de l’action des vagues. Le batillage consiste en l’action répétée du déferlement de vagues sur un obstacle, un peu comme sur la plage. Un barrage ou une digue s’oppose à la propagation des vagues à la surface d’un plan d’eau et provoque leur déferlement. Ce déferlement génère une énergie capable parfois de déstructurer le matériau impacté et de mettre en suspension des grains. Le franchissement correspond quant à lui à l’écoulement de paquets d’eau en aval d’un obstacle suite au déferlement de vagues suffisamment grosses pour atteindre la crête de l’obstacle. C’est ce phénomène qui génère des gerbes d’eau aussi spectaculaires que dangereuses lors des tempêtes en bord de mer. En retombant au sol, l’eau peut avoir assez d’énergie pour entraîner avec elle un peu de matériau. Les niveaux d’énergie impliqués dans le franchissement sont plus faibles que dans le déferlement mais les sols concernés sont souvent moins bien protégés car se trouvant du côté aval de l’ouvrage.
3. Caractériser l’érodabilité des sols
L’érodabilité d’un sol résulte de l’application d’un écoulement trop intense par rapport aux caractéristiques de résistance mécanique d’un matériau. Le terme érodabilité contient deux informations qui renvoient d’une part à l’initiation de l’érosion et d’autre part à sa cinétique une fois l’érosion amorcée.
Dans le cas où l’on peut distinguer une interface entre un domaine solide et un domaine fluide, et que le fluide s’écoule parallèlement à cette interface, l’érosion peut être caractérisée de surfacique à l’échelle du matériau. L’intensité de l’écoulement est alors caractérisée par la contrainte de cisaillement exercée par le fluide au niveau de cette interface. La résistance d’un sol à l’écoulement est caractérisée quant à elle par la cohésion du matériau ainsi que par son poids volumique. On aboutit ainsi à l’écriture d’un critère d’initiation de l’érosion en comparant forces motrices et forces résistantes. La cinétique de l’érosion résulte alors d’une part des fluctuations spatiales des propriétés mécaniques des sols et d’autre part des fluctuations spatio-temporelles des contraintes fluides à l’interface, celles-ci étant dues en partie à la turbulence.
La situation décrite ci-dessus (Figure 6) met en jeu une géométrie bi-phasique avec un domaine solide et un domaine fluide bien identifiés. Elle permet de décrire les mécanismes d’érosion externe mais également le mécanisme d’érosion interne de conduit qui peut être vu en se plaçant à l’échelle locale comme de l’érosion externe (au niveau des bords du conduit), et dans une moindre mesure le cas de l’érosion de contact avec écoulement parallèle à l’interface. En revanche, les autres mécanismes d’érosion interne (érosion régressive, érosion de contact avec écoulement perpendiculaire à l’interface et suffusion) font intervenir des écoulements dans le volume et doivent être analysés plus finement en considérant l’équilibre individuel des grains élémentaires de sol.
Quelques essais de laboratoire existent aujourd’hui pour caractériser l’érodabilité d’un matériau, à la fois en termes d’occurrence du phénomène (à partir de quelle intensité d’écoulement) et de cinétique (à quelle vitesse s’érode un matériau). Parmi ces essais, on peut citer le HET [8] (Hole Erosion Test) (Figure 7) adapté à l’étude de l’érosion de conduit, le JET [9] (Jet Erosion Test) et l’EFA[10] (Erosion Function Apparatus) adaptés à l’étude de l’érosion externe, ou encore le perméamètre de suffusion adapté à l’étude de l’érosion interne par suffusion. L’interprétation des trois premiers dispositifs se base sur un modèle d’érosion de surface (d’autres modèles existent [11]) reposant sur deux paramètres : un coefficient d’érosion (caractérisant la cinétique de l’érosion) et une contrainte fluide critique (caractérisant l’initiation de l’érosion). L’interprétation de l’essai de suffusion manque encore quant à lui d’un cadre théorique bien établi et reste, pour l’heure, un essai destiné uniquement à la recherche.
Avec le développement des outils de calcul numérique, et notamment l’essor des méthodes aux éléments discrets [12] (DEM) couplées avec des méthodes de résolution des écoulements fluides, il est désormais possible de traiter la question de l’érosion des sols directement à l’échelle microscopique (celle des grains constituant le matériau) (Figure 8). A cette échelle, on ne parle plus vraiment d’érosion mais de détachement, transport et dépôt/colmatage de grains. De nombreux travaux de recherche visent aujourd’hui à faire le lien entre cette vision très locale et la vision plus globale de l’ingénieur à l’échelle de l’ouvrage. Les résultats de ces travaux à petite échelle servent à préciser les lois d’érosion observées à une échelle plus large.
4. Quelques bonnes pratiques pour limiter érosion interne et externe
La connaissance des différents mécanismes d’érosion interne permet d’imaginer des stratégies pour limiter l’action de l’eau sur les sols. Celles-ci nécessitent la formulation d’un certain nombre de règles de « bonne conduite ». Pour les barrages et les digues, ces règles, appelées recommandations, sont écrites par la profession au sein de comités nationaux et internationaux. On citera à ce titre le Comité Français des Barrages et Réservoirs (CFBR [15]) ainsi que la Commission Internationale des Grands Barrages (CIGB [16]).
Les retours d’expérience nous enseignent qu’il est beaucoup plus facile de prévenir que de guérir car, une fois l’érosion enclenchée, il est difficile de la stopper avant la rupture de l’ouvrage concerné. Par exemple, la rupture emblématique du barrage de Teton [17] aux États-Unis en 1976 est intervenue seulement quelques heures après la détection des premières fuites et malgré des tentatives désespérées de réparation.
En premier lieu, le choix des matériaux utilisés pour ériger un remblai se doit d’être adapté aux sollicitations hydrauliques auxquelles il sera soumis. Si malgré tout, les efforts hydrauliques générés en situation en crise devaient être trop intenses, des protections visant à limiter spécifiquement la sollicitation hydraulique des matériaux les plus fragiles pourront être mises en œuvre (Lire : Le renforcement des sols : des techniques devenues indispensables). Voici quelques exemples de stratégies que l’on pourra chercher à mettre en œuvre (liste bien entendue non exhaustive) :
- L’utilisation de matériaux argileux peu perméables limite l’intensité des écoulements s’infiltrant dans le sol et diminue la probabilité d’observer de l’érosion interne (Lire : Les argiles : un nanomatériau naturel et surprenant).
- Le respect de critères de filtres entre différents matériaux en contact et le respect de critères d’auto-filtration pour chaque matériau permet de limiter le risque d’observer de l’érosion interne de contact ou de la suffusion. Si ces critères ne peuvent pas être respectés, on pourra recourir à l’utilisation de géotextiles à disposer entre les deux couches de sol en question.
- Une végétation entretenue et une lutte contre les animaux fouisseurs limite la présence de conduits propice à de l’érosion de conduit.
- La résistance intrinsèque d’un sol à l’érosion peut être améliorée grâce des processus chimiques (sols traités à la chaux, mélange avec un coulis de bentonite et de ciment, …) ou biochimiques (bio-calcification des sols) qui augmentent la cohésion entre les grains élémentaires du sol.
- L’enherbement (ou une végétation basse) limite la contrainte de cisaillement exercée par un écoulement à la surface du sol (augmentation de l’épaisseur de la couche limite [18]) et retarde ainsi le début de l’érosion. La présence de la végétation limite également la déstructuration du sol par effet « splash » lors de précipitations intenses ou en cas de franchissement par des vagues.
- La mise en place de perrés ou d’enrochements agit comme une carapace face aux vagues et dissipe leur énergie avant qu’elles n’atteignent les matériaux plus fins.
- La mise en place d’une contre retenue en aval d’un ouvrage sujet à l’érosion régressive limite la différence de hauteurs d’eau entre l’amont et l’aval et par conséquent l’intensité des écoulements internes. C’est pour cette raison que l’on dispose par exemple des sacs de sable autour d’un « sand boil » lors d’une situation de crise.
5. Quel avenir pour les techniques de protection des digues et barrages ?
Aujourd’hui une typologie de l’érosion des sols par un écoulement d’eau existe en ce qui concerne l’érosion interne (érosion régressive, érosion de conduit, érosion de contact et suffusion). En revanche, la classification des mécanismes d’érosion externe est encore en discussion par la profession et les quatre mécanismes présentés dans cet article doivent être considérés uniquement comme une première base de réflexion.
Un certain nombre de techniques de construction permettent de limiter autant que possible l’action de l’eau sur un sol érodable. Ces techniques se basent sur l’état actuel des connaissances scientifiques qui ne sont néanmoins pas encore complètement stabilisées. La compréhension de la physique de l’érosion reste assurément un problème largement ouvert et un domaine de recherche très actif.
Les différents mécanismes d’érosion évoqués dans cet article sont présentés en lien avec le comportement des digues et barrages en remblai mais ils peuvent être transposés à d’autres situations impliquant des matériaux naturels (i.e. non remaniés par l’Homme) telles que, par exemple, l’extraction pétrolière lors de laquelle du sable peut être extrait par suffusion ou érosion régressive (Figure 9) en même temps que le pétrole (on parle de « sand production »), ou bien encore la rupture par érosion de barrages naturels résultant de glissements de terrain ou d’éboulements en travers de cours d’eau.
Quant à l’érosion géomorphologique mentionnée en introduction, celle-ci fait résulte d’une gamme de phénomènes plus large aux conséquences visibles sur des durées beaucoup plus grandes. Les mécanismes d’érosion mentionnés dans cet article participent bien entendu au modelage des paysages mais on pourrait leur rajouter entre autres les glissements de terrain, diverses altérations chimiques, les cycles de gel/dégel, le transport sédimentaire, la reptation glaciaire, le transport éolien, l’impact de la végétation, …
6. Messages à retenir
- Sous l’action d’un fluide (eau ou air), un sol (naturel ou mis en place par l’Homme) peut s’éroder soit à sa surface au niveau de l’interface avec l’écoulement fluide, soit dans son volume sous l’action des infiltrations d’eau.
- Tous les ouvrages en terre sont perméables et soumis à de l’érosion. Une bonne conception et un bon suivi permettent de limiter le phénomène et de pouvoir engager des travaux à temps en cas de désordre constaté.
- L’érosion des sols est toujours un sujet de recherche très actif, que ce soit d’un point de vue de la compréhension de la physique des différents mécanismes d’érosion, de la caractérisation des propriétés de résistance des sols et des vitesses de développement des différents mécanismes, ou bien encore des technologies de détection, mesure et suivi de l’érosion in situ.
- La recherche s’appuie sur des expériences en laboratoire (à l’échelle du matériau), des expériences de terrain (à l’échelle de l’ouvrage) et sur des simulations numériques (des expériences numériques).
Notes et références
Image de couverture. (Blackman dam, Tasmania, 2005. Photo Credit: The Mercury and Kim Eiszele)
[1] Van Oost, K. et al. (2007). The impact of agricultural soil erosion on the global carbon cycle. Science, 318, (5850), 626-629.
[2] Celle-ci est encore parfois appelée renard hydraulique.
[3] Foster, M. et al. (2000). The statistics of embankment dam failures and accidents. Canadian Geotechnical Journal, 37, 1000-1024.
[4] Bonelli, S. (2012). Erosion of geomaterials. Hoboken : John Wiley & Sons
[5] Ce type d’érosion ne se rencontre ainsi que dans des matériaux cohésifs permettant à un conduit d’exister sans s’effondrer.
[6] Hanson, G. et al. (2010). Internal erosion and impact of erosion resistance. Collaborative management of integrated watersheds. Proc. of 30th annual USSD conference, 773-784.
[7] Beguin, R. (2011). Etude multi-échelle de l’érosion de contact au sein des ouvrages hydrauliques en terre. Thèse de doctorat. Université de Grenoble.
[8] Benahmed, N. and Bonelli, S. (2012). Investigating concentrated leak erosion behaviour of cohesive soils by performing hole erosion tests. European Journal of Environmental and Civil Engineering, 16(1), 43-58.
[9] Hanson G. J. and Cook K. R. (2004). Apparatus, Test Procedures and Analytical Methods to Measure Soil
Erodibility In Situ. Engineering in Agriculture, ASAE, 20(4), 455-462.
[10] Briaud, J. L. et al. (2001). Erosion function apparatus for scour rate predictions. Journal of geotechnical and geoenvironmental engineering, 127(2), 105-113.
[11] Knapen, A. et al. (2007). Resistance of soils to concentrated flow erosion: A review. Earth-Science Reviews, 80(1-2), 75-109.
[12] https://en.wikipedia.org/wiki/Discrete_element_method
[13] Wautier, A. (2018). Analyse micro-inertielle des instabilités mécaniques dans les milieux granulaires, application à l’érosion interne. Thèse de doctorat. Aix-Marseille Université.
[14] Benseghier, Z. (2019). Etude numérique de l’érosion d’un matériau granulaire cohésif par un écoulement fluide. Thèse de doctorat. Aix-Marseille Université.
[15] https://www.barrages-cfbr.eu/
[16] https://www.icold-cigb.org/
[17] https://fr.wikipedia.org/wiki/Barrage_Teton
[18] Taille de la zone sur laquelle un écoulement passe d’une vitesse nulle à sa vitesse maximale comme illustré sur la Figure 2.
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Pour citer cet article : WAUTIER Antoine (20 octobre 2021), L’érosion des sols : une histoire de fluide et de grains, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 8 octobre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/erosion-sols-histoire-fluide-grains/.
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