| Focus 1/3 | La température moyenne de la Terre

Calcul des erreurs

PDF
stations mesure meteorologiques
Figure 1. Station de mesure météorologique de l’Ecole Normale de La Rochelle utilisée en 1910 (à gauche) et station de mesure météorologique au lieu-dit « Le bout Blanc » à La Rochelle utilisée en 1998. (Source : Météo-France)

De toutes ces sources d’erreurs, celles qui sont liées à l’échantillonnage (nombre d’observations par maille de calcul) et à la couverture incomplète (absence d’observation dans certaines mailles) sont les plus importantes. Même si le nombre d’observations prises en compte augmente avec la numérisation de données d’archives anciennes, certaines régions, en particulier près des pôles, restent en effet mal couvertes. Les techniques utilisées pour estimer ces erreurs consistent à générer des pseudo-observations à partir de simulations numériques (notamment des ré-analyses évoquées dans la section 3) ayant une couverture fine (par exemple comme dans une pseudo-observation environ tous les demi degrés en latitude et en longitude) sur l’ensemble de la planète. Elles sont utilisées pour évaluer l’effet d’une réduction de la couverture spatio-temporelle des observations réelles sur le calcul de l’évolution de la température sur les grilles des reconstructions ou en moyenne. A titre d’exemple, Lenssen et al. (2019) évaluent que les incertitudes d’échantillonnage et de couverture sur la température moyenne annuelle continentales décroissent d’environ 0,20°C dans les années 1880s à 0,05°C dans les années 2000s (ici comme dans la suite sauf si précisé, ces valeurs d’incertitude caractérisent un intervalle de confiance à 95%).

Les effets d’urbanisation sont pour partie corrigés dans les reconstructions selon différentes méthodes comme la suppression des observations les plus affectées par l’urbanisation ou la correction des données de stations urbaines par les données de stations rurales voisines [1]. Après ces corrections, les erreurs résiduelles doivent être prises en compte dans les incertitudes sur les températures reconstruites. Elles n’ont cependant qu’un impact limité sur la tendance de la moyenne annuelle de la température de l’ensemble des continents puisqu’il est par exemple inférieur à 0,06°C de réchauffement sur l’ensemble du XXe siècle d’après la reconstruction britannique, donc d’un ordre de grandeur bien plus faible que la tendance elle-même [2].

La Figure illustre les ruptures dans l’homogénéité des séries avec des photographies de la station météorologique de La Rochelle utilisée en 1910 et de celle de 1998 équipée d’un abri respectant des normes définies au niveau international. Les séries de données utilisées dans les reconstructions doivent être préalablement analysées pour détecter ces ruptures d’homogénéité par exemple par comparaison de paires de séries d’observations voisines géographiquement. Ces ruptures doivent ensuite faire l’objet d’une correction en utilisant là aussi la proximité de stations dont les observations sont spatialement corrélées. Mais, aussi précises soient ces corrections, des erreurs résiduelles comme la non détection de certaines ruptures d’au plus quelques dixièmes de degrés, contribuent à augmenter les incertitudes sur les reconstructions de température et doivent donc être prises en compte dans leur évaluation.

Les données marines doivent aussi faire l’objet de corrections de biais en particulier du fait de :

  • l’augmentation récente du nombre d’observations par bouées conjuguée à une diminution du nombre d’observations par bateau qui conduisent à une diminution de la tendance de température estimée.
  • l’utilisation de mesures de la température par prélèvement d’eau dans un seau plus ou moins isolé thermiquement, comparé au mode plus moderne de mesure de la température à l’entrée des prises d’eau servant à refroidir les moteurs des bateaux.

La coexistence de ces différents modes de mesure au cours de certaines périodes, comme pendant ou juste après la deuxième guerre mondiale, rend parfois difficile l’évaluation des corrections nécessaires [3]. L’effet de ces biais sur les tendances est très dépendant de la période d’analyse et la prise en compte des effets non corrigées dans les estimations des incertitudes reste une nécessité.

L’incertitude totale sur la moyenne annuelle de la température planétaire est calculée en combinant l’ensemble des incertitudes mentionnées jusqu’ici, que ce soit sur océan ou sur continent. Ce sont donc des modèles de calcul des incertitudes toujours plus complets et plus précis qui sont développés [4]. Ces modèles font l’objet d’améliorations constantes comme la prise en compte récente des corrélations d’erreurs de mesures recueillies par les mêmes bateaux ou les mêmes bouées. Un développement récent consiste aussi à constituer de larges ensembles de reconstructions des températures (100 ou même 1000 membres) en faisant varier les paramètres utilisés pour le calcul des moyennes et pour corriger les erreurs dans les données observées (d’urbanisation, d’homogénéisation, de biais des données marines, …).

Les résultats des calculs de l’erreur totale par les différents modèles d’erreurs sont les suivants :

  • pour la reconstruction britannique, l’erreur totale décroît en partant d’environ 0,22°C dans les années 1850s pour atteindre 0,10°C dans les années 2000s, en passant par 0,15°C dans les années 1880s ;
  • pour la reconstruction de la NOAA, elle décroît d’environ 0,15°C dans les années 1880s à environ 0,05°C dans les années 2000s ;
  • pour celle de la NASA, elle décroît d’environ 0,14°C dans les années 1880s pour atteindre 0,08°C dans les années 2000s ;
  • pour les trois reconstructions, les incertitudes totales augmentent de 1 à 2 dixièmes de degrés pendant les périodes des deux conflits mondiaux.

 


Notes et références

Vignette de couverture.

[1] Wickham, C, Rohde, R., Muller, R. A., Wurtele, J., Curry, J., Groom, D., Jacobsen, R., Perlmutter, S., Rosenfeld, A., Mosher, S. (2014) Influence of urban heating on the global temperature land average using rural sites identified from MODIS classifications. Geoinformatics & Geostatistics : An Overview, 1:2, 2-6.

[2] Jones, P. D., New, M., Parker, D. E., Martin, S., Rigor, I.G. (1999) Surface temperature and its changes over the past 150 years. Review of Geophysics., 32, (2), 173-199.

[3] Kennedy, J. J., Rayner, N. A., Smith, R. O., Parker, D. E., Saunby, M. (2011) Reassessing biases and other uncertainties in sea surface temperature observations measured in situ since 1850: 2. Biases and homogenization. Journal of Geophysical Research, 116, D14104. DOI : 10.1029/2010JD015220.

[4] Brohan, P., Kennedy, J. J., Harris, I., Tett, S. F. B., Jones, P. D. (2006) Uncertainty estimates in regional and global observed temperature changes: A new data set from 1850. Journal of Geophysical Research, 111, D12106. DOI : 10.1029/2005JD006548.