| Focus 1/3 | La diffusion, étape ultime d’un bon mélange

Les pères du concept de diffusion

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Joseph Fourier (1768-1830) et Henri Navier (1785-1836), dont les portraits sont montrés sur la Figure, ont été les premiers scientifiques à avoir compris que le transport par diffusion était proportionnel à la dérivée de la grandeur transportée. Presque simultanément, en 1822, ils proposent de relier cette propriété à l’agitation moléculaire du fluide. Dans le cas du transport des espèces chimiques, la loi  établie dans l’article associé à ce focus a été proposée en 1855 par Adolf Fick, médecin physiologiste allemand (1829-1901), professeur à l’université de Marbourg. Joseph Fourier était un physicien français, devenu recteur et préfet de Grenoble, connu pour avoir proposé la loi analogue pour le transfert de chaleur en 1822, dans sa Théorie analytique de la chaleur, où il introduisait aussi les séries trigonométriques maintenant connues sous le nom de séries de Fourier. Henri Navier était un ingénieur des ponts et chaussées qui a dirigé la construction d’une dizaine de ponts en France. A l’Ecole Polytechnique, il fut l’élève de Joseph Fourier.

Dans le cas des fluides visqueux soumis à un cisaillement, la loi qui exprime le frottement entre les diverses couches fluides porte le nom d’Isaac Newton (1643-1727), savant anglais à l’origine d’avancées scientifiques très importantes. Ceci s’explique par le fait que Newton fut le premier à proposer que la résistance à l’écoulement d’un fluide devait être une fonction linéaire de sa vitesse, ce qui n’est vrai que pour les écoulements lents. Son ouvrage Principia Naturalis Principia Mathematica (1687) a marqué l’histoire des sciences. La première explication théorique de la proportionnalité entre la traînée du fluide lors de la chute d’une petite sphère et la vitesse de cette sphère est due à George Stokes (1819-1903) qui la tire de la loi publiée par Navier en 1822.

L’équation fondamentale de la mécanique des fluides est un prolongement de l’équation initiale proposée par Euler (1757) pour un fluide dit « parfait », c’est à dire sans viscosité. Complétée par l’expression de la contrainte tangentielle due à la viscosité, tirée des travaux de Navier et de Stokes, elle est maintenant universellement connue sous le nom d’équation de Navier-Stokes.

 

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Figure. De gauche à droite : Joseph Fourier (1768-1830), mathématicien et physicien français, Adolf Fick (1829-1901), physiologiste allemand, et Henri Navier (1785-1836), ingénieur des ponts et chaussées. [Sources : By Jules Boilly [Public domain], via Wikimedia Commons ; By Anton Klamroth, gestorben 11. Feb. 1929 (selbst fotografiert ohne Schöpfungshöhe) [Public domain], via Wikimedia Commons ; See page for author [Public domain], via Wikimedia Commons]

La théorie cinétique des gaz expliquant les lois de Fourier, Fick et Newton, présentée sous forme simplifiée en section 3 de l’article associé à ce focus, fut développée à la findu 19e siècle par Boltzmann. Cette théorie montre que dans les gaz les diffusivités massique et thermique ainsi que la viscosité cinématique ont la même valeur : D=ν=cλ/3. Le rapport Sc=ν/D, voisin de l’unité dans un gaz au repos, très utilisé dans les études de transfert de masse, est dénommé nombre de Schmidt. Avec la diffusivité thermique α=k/ρCp et la viscosité cinématique on forme le rapport Pr=ν/α, lui aussi voisin de l’unité dans les gaz, dénommé nombre de Prandtl, très utilisé dans les études de transfert de chaleur. Les valeurs de ces deux nombres sans dimension ne s’écartent de l’unité que lorsqu’un mouvement macroscopique du gaz ajoute à la diffusion un transport par convection et turbulence.

L’agitation des molécules n’est pas observable directement, mais on peut observer l’effet des chocs moléculaires multiples sur des particules de taille micrométrique visibles au microscope. Ces particules sont animées d’un mouvement irrégulier, appelé mouvement brownien en hommage au botaniste Robert Brown qui a découvert l’effet en 1827. Le déplacement de ces particules, bien plus grosses que les molécules, n’est pas décrit par la théorie de Boltzmann, mais par une théorie proposée par Albert Einstein en 1905. Cette théorie très générale s’applique aussi à la diffusion dans un liquide (voir aussi l’article associé à ce focus). Einstein indiqua ainsi comment déduire les dimensions moléculaires des observations du mouvement brownien.  C’est ce que fit Jean Perrin en 1909, obtenant ainsi la première détermination du nombre d’Avogadro, et donc de la masse des atomes. Ceci apporta une confirmation expérimentale de l’existence des atomes, encore hypothétique à l’époque.

 


Image de couverture. Portrait d’Adolf Fick, choisi parmi ceux de la figure parce que certains auteurs utilisent le terme « diffusion fickienne » pour dénommer le transport des espèces chimiques par l’agitation moléculaire.