| Focus 2/6 | Radiofréquences et santé : où en sommes-nous ?

Radiofréquences, risque et réglementation

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Afin d’éviter des effets sur la santé des usagers, il existe une réglementation qui fixe des seuils à ne pas dépasser pour l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Celle-ci est fondée sur les connaissances scientifiques. Seuls les effets avérés sont pris en compte pour établir ou modifier les seuils proposés.

1. Le risque

1.1. Risque avéré, effet avéré

Il est question d’un risque scientifiquement avéré lorsque le caractère nocif d’un facteur de risque (rayonnement, produit chimique ou naturel, bactérie, etc.) est démontré de façon certaine. Quel que soit le domaine de recherche, une seule étude ne suffit pas. Le fait qu’elle soit publiée dans une revue scientifique n’est pas en soi un gage de qualité, même si celle-ci a un fort facteur d’impact [1]. Seules les études épidémiologiques dont la méthodologie est robuste, et qui présentent une puissance statistique suffisante sont réellement convaincantes (nombre de cas, prise en compte des biais, pertinence de la méthode d’analyse statistique employée, etc.) [2]. L’existence d’un effet avéré des ondes sur la santé peut donc être affirmée si celui-ci est observé dans des études publiées, dont la méthodologie est validée tant pour les parties physiques que biologiques (système d’exposition aux ondes, expérimentation biologique, dosimétrie), qui ont pu être reproduites (« répliquées ») par plusieurs équipes indépendantes et dont les résultats sont cohérents entre eux. En effet des résultats incohérents entre différentes études (expérimentales et épidémiologiques notamment) ou l’observation d’effets difficilement discernables de ceux existants sans exposition au facteur de risque ne permettent pas de conclure à l’existence d’un effet ou d’un risque avéré.

1.2. Le risque zéro n’existe pas

La méthode scientifique ne permet pas de démontrer qu’un phénomène, quel qu’il soit, n’existe pas. En effet, le chercheur part de l’hypothèse qu’un effet existe et cherche à le démontrer. S’il échoue, il est toujours possible que les conditions expérimentales choisies n’aient pas permis cette démonstration. Il est de fait impossible d’exclure scientifiquement l’hypothèse de l’existence d’un effet, ce qui ne signifie pas qu’il existe pour autant. Il reste donc toujours une part d’incertitude qui diminue au fur et à mesure que s’accumulent des données. Pour ces raisons, il ne sera jamais possible de prouver scientifiquement une absence totale de risque !

1.3. Ne pas confondre risque et danger

Il est utile de distinguer risque et danger. Le risque est un concept qui rend compte de la probabilité qu’un danger survienne dans le but de l’éviter, le réduire ou établir des compensations (par exemple financières dans le cas des assurances). Son évaluation tient compte de la gravité du danger (son impact) et de son occurrence, qui en gros correspond en toxicologie au niveau d’exposition. Danger et risque ne sont pas proportionnels, il peut y avoir un grand risque de survenu d’un petit danger, et un petit risque de survenu d’un grand danger. Par exemple, un lion représente un danger pour l’homme (vignette). Si en vous promenant à pieds dans la savane, vous rencontrez un lion affamé, le risque est grand. Mais si vous visitez un zoo et passez devant la cage du lion, le risque d’attaque est très faible… Le danger est le même, mais l’exposition est différente. La notion d’exposition est fondamentale pour évaluer les risques environnementaux, notamment pour les gérer réglementairement [3].

2. Réglementation pour la protection des personnes

2.1. Quel est le principe de la réglementation ?

Dans de nombreux pays, comme en Europe, l’établissement des limites réglementaires s’appuie sur les travaux de la Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP) [4], qui font aussi référence pour l’OMS [5]. Ce groupe d’experts effectue une veille bibliographique permanente des données scientifiques relatives aux effets des rayonnements non ionisants.

Réglementation protection public travailleur
Figure 1. Représentation schématique du principe de la réglementation et des marges de sécurité pour la protection du public et des travailleurs. [Source : création © Anne-Perrin –  Image libre de droits / Pixabay]
En France, les valeurs limites d’exposition aux radiofréquences pour le public sont fixées par un Décret de 2002 [6] qui couvre les champs électromagnétiques de 0 kHz à 300 GHz. Celui-ci reprend les valeurs recommandées par la Commission européenne [7], elles-mêmes issues des lignes directrices [8] proposées en 1998 par l’Icnirp. Pour la protection des travailleurs, c’est un Décret de 2016 [9] qui met en application une Directive européenne de 2013 [10] ; toutes les entreprises sont concernées [11]. Par précaution, les limites d’exposition recommandées pour le public sont 50 fois inférieures au niveau d’apparition des premiers effets avérés (thermiques), notamment pour tenir compte des populations potentiellement plus vulnérables (enfants, femmes enceintes, personnes malades, âgées…). Ces limites sont 5 fois plus élevées pour les expositions professionnelles (Figure 1 ; Tableau 1).

Concrètement, plus la fréquence augmente, moins les ondes pénètrent dans le corps.

Ceci se traduit par l’emploi de différents indicateurs d’exposition pour établir les limites réglementaires. Le débit d’absorption spécifique (DAS) permet de quantifier l’absorption d’énergie en profondeur, en watt par kilogramme (W/kg). La densité de puissance quantifie la densité de puissance en surface, en watt par mètre carré (W/m2) (Tableau 1).

Tableau 1. Valeurs limites d’exposition figurant dans le décret du 3 mai 2002 (f est la fréquence en Hz). [Source : décret n°2002-775 du 3 mai 2002]

Ondes limites exposition

Début 2020, l’ICNIRP a publié une mise jour des lignes directrices pour la gamme des radiofréquences de 100 kHz à 300 GHz [12]. Très brièvement, les valeurs limites d’exposition restent inchangées en termes de DAS et des aménagements permettront de mieux prendre en compte des technologies futures avec des expositions brèves et des fréquences plus élevées. De nouvelles valeurs limites d’exposition ont été définies comme la densité de puissance absorbée (Sab) pour quantifier l’absorption superficielle localement, en watt par mètre carré (W/m2).  L’ICNIRP précise toutefois que les valeurs d’exposition proposées en 1998 « [fournissent] toujours une protection adéquate pour les technologies actuelles » et qu’elles « assureront également la protection vis-à-vis des technologies 5G si elles produisent les niveaux d’exposition prévus à ce jour ; ceux-ci devraient être approximativement similaires aux expositions issues des technologies de télécommunications mobiles précédentes (par exemple 4G) » [13].

2.2. Comment respecter les seuils pour les émetteurs lointains ?

Références réglementaire fréquence radiofréquences
Figure 2. Niveaux de référence réglementaires en fonction de la fréquence, en France. [Source : © ANFR]
Le DAS n’est pas mesurable en condition réelle car c’est une valeur interne au corps. Pour les expositions à une source éloignée du corps, comme des antennes relais ou le Wifi par exemple, les valeurs limites d’exposition sont donc transcrites en valeurs de champs électrique et magnétique mesurables sur le terrain, appelées selon les textes niveaux de référence (public) ou valeurs déclenchant l’action (travailleurs). Ceux-ci sont obtenus par des simulations « pires cas » garantissant que les valeurs limites d’exposition en termes de DAS ne sont jamais dépassées. Il est possible de les mesurer. Les deux composantes électrique ou magnétique du champ étant couplées dans la gamme des radiofréquences, il suffit d’en mesurer une ; c’est généralement le champ électrique en volt par mètre (V/m) qui est mesuré.  Par exemple les niveaux de référence sont de 28 V/m à 100 MHz, 41 V/m à 900 MHz, 58 V/m à 1800 MHz et 61 V/m au-delà de 2 GHz pour le public (Figure 2).

2.3. Comment respecter les seuils pour les émetteurs utilisés à proximité du corps ?

La mesure du champ électrique n’étant pas fiable très près ou au contact des terminaux, c’est l’appareil qui doit être conçu de façon à respecter la réglementation. Ce sont alors directement les valeurs limites en termes de DAS qui sont la référence pour les appareils utilisés à proximité du corps.  Ainsi, pour chaque téléphone mobile, le DAS est mesuré en usine sur des mannequins normalisés (« fantômes ») remplis d’un liquide mimant les tissus biologiques lorsque l’appareil émet à pleine puissance. Sa valeur ne doit pas dépasser les limites réglementaires de 2 W/kg au niveau de la tête ou du tronc, et 4 W/kg au niveau des membres (conformité). Pour l’information des consommateurs l’affichage du DAS (tête) est exigé depuis 2010 pour les téléphones mobiles. Lors de l’usage normal d’un téléphone conforme, cette valeur n’est en réalité pas atteinte car un système de contrôle de puissance adapte l’intensité du signal émis au minimum nécessaire pour la connexion [14]. Sans cela la batterie du téléphone se viderait rapidement. Depuis juillet 2020, l’obligation d’affichage est étendue à tous les appareils émettant des radiofréquences dont la puissance est supérieure à 20 milliwatts pouvant être utilisés à moins de 20 cm du corps [15] : tablettes, montres connectées, écouteurs Bluetooth, etc.

3. La réglementation est-elle respectée ?

En France, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) veille au respect de la réglementation pour le public ainsi qu’à la conformité des équipements [16]. Des téléphones mobiles prélevés dans le commerce sont testés en laboratoire. D’autre part, les mesures de champs réalisées sur le territoire dans le cadre du dispositif national de surveillance sont accessibles sur le site Cartoradio.fr. Tout le monde peut demander des mesures d’exposition gratuites dans une habitation ou tout autre lieu accessible au public [17]. D’après les rapports annuels, les niveaux d’exposition ambiants sont très inférieurs aux seuils réglementaires. En 2019, 50% des valeurs mesurées étaient inférieures à 0,38 V/m (champ médian) et 90 % étaient inférieures à 1,8 V/m [18].

 


Notes et références

Images de couverture. [Source : © Jacques Joyard]

[1] Beaucoup d’informations à propos des publications scientifiques sur le site « La rédaction médicale & scientifique »

[2] Souques M., « Notions de base sur l’épidémiologie », SPS n° 286, juillet-septembre 2009. Sur afis.org

[3] Greenfacts, vidéo « Danger, risque et sécurité » (sous-titrage en français : valider l’option dans les paramètres en bas à droite de la vidéo)

[4] https://www.icnirp.org/en/home/home-read-more.html

[5] OMS, 2004, Champs électromagnétiques et santé publique : téléphones portables. Sur oms.int

[6] Décret n°2002-775 du 3 mai 2002 pris en application du 12° de l’article L. 32 du code des postes et télécommunications et relatif aux valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les installations radioélectriques. Journal officiel de la République Française, 2002 ; 105: 8624. Sur legifrance.gouv.fr

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000226401

[7] Conseil des Communautés européennes. Recommandation du Conseil Européen, du 12 juillet 1999, relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz)

[8] Guidelines for Limiting Exposure to Time-Varying Electric, Magnetic, and Electromagnetic Fields (up to 300 GHz). Health Physics 74 (4): 494-522; 1998. (http://www.icnirp.de/PubEMF.htm).

[9] Décret n° 2016-1074 du 3 août 2016 relatif à la protection des travailleurs contre les risques dus aux champs électromagnétiques. Journal Officiel de la République Française, 2016. Sur legifrance.gouv.fr

[10] Conseil des Communautés européennes. Directive 2013/35/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques). Journal officiel de l’Union européenne 2013 ; L179 (29 juin) : 1-21.

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013L0035&from=FR

[11] Fiche technique de la Société française de radioprotection, Evaluer l’exposition des travailleurs aux champs électromagnétiques, 2020. Sur sfrp.fr

[12] ICNIRP. Guidelines for limiting exposure to electromagnetic fields (100 kHz to 300 GHz). Health Phys 118(5): 483-524; 2020.

[13] ICNIRP, “Frequently Asked Questions related to the ICNIRP RF EMF Guidelines 2020”. Sur icnirp.org

[14] ANFR, DAS réel/DAS mesuré (maximal). Sur anfr.fr

[15] ANFR, Equipements radioélectriques : à partir du 1er juillet, l’affichage du DAS est renforcé pour une meilleure information du public, 30 juin 2020. Sur anfr.fr

[16] ANFR, Exposition du public aux ondes. Sur anfr.fr

[17] ANFR, Faire réaliser une mesure. Sur anfr.fr

[18] ANFR, Etude de l’exposition du public aux ondes radioélectriques. Avril 2020. Sur anfr.fr