| Focus 2/2 | Lumière, vision et horloges biologiques

Evolution de la vision des couleurs chez les mammifères et les primates

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Chez les vertébrés non-mammaliens, les réceptions visuelle et non-visuelle de la lumière impliquent respectivement des structures de photoréception oculaires, les yeux latéraux, et extra-oculaires : organe pinéal, organe parapinéal, organe frontal, œil pariétal et photorécepteurs du cerveau profond. Ces différents organes permettent aux individus de recueillir, à partir d’une unique source de lumière, diverses informations comme la photopériode, l’intensité lumineuse et le spectre électromagnétique. Il est ainsi possible de diminuer les erreurs d’interprétation et d’affiner la mesure de la lumière et donc la mesure du temps. Cependant, chez les espèces mammaliennes, les photoréceptions visuelle et non-visuelle impliquent exclusivement des structures oculaires. Cette particularité pourrait être liée à leur évolution depuis un ancêtre commun nocturne apparu il y a 225 millions d’années. De nos jours, 63,8% des mammifères sont nocturnes. Or, naviguer dans l’obscurité requiert des structures très sensibles qui peuvent distinguer d’infimes variations de l’intensité lumineuse ou du spectre électromagnétique. Seules les structures de photoréception oculaires sont assez sensibles pour distinguer ces variations. Cette contrainte aurait conduit les mammifères à perdre leurs structures de photoréception extra-oculaires. Cela s’observe également chez des espèces non-mammaliennes nocturnes telles que les geckos qui ont perdu l’œil pariétal.

Cependant, quelques primates font exception. En effet, alors que leur ancêtre commun était dichromate, plusieurs espèces (dont l’Être humain) ont acquis de nouveau la vision trichromatique. Ainsi, chez les catarhiniens (singes de « l’Ancien Monde ») et les alouates (singes hurleurs sud-américains), il existe trois gènes, appelés SWS1, MWS et LWS, qui codent pour trois types de cônes. Chez les platyrhiniens (singes du « Nouveau Monde ») il existe deux gènes dont l’un est poly-allélique (il existe plusieurs formes du même gène SWS1 et trois formes alléliques LWS) et lié au chromosome X. Autrement dit, pour ces espèces, seules les femelles hétérozygotes, qui possèdent deux allèles LWS différents, ont une vision trichromatique ; les femelles homozygotes qui possèdent deux allèles LWS identiques et les mâles, qui n’ont qu’un seul chromosome X et ne possèdent qu’un seul allèle LWS sont quant à eux dichromates. La raison d’un retour à la trichromatie ? Il semble que la vision trichromatique ait conféré à ces primates un avantage sélectif pour distinguer les fruits mûrs de couleur rouge sur le fond vert de la végétation. En effet, le gène MWS et l’un des allèles LWS codent pour des cônes sensibles à la couleur verte.

Encyclopédie environnement - lumière - vision
Figure 1. Arbre phylogénétique de quelques Primates en relation avec leur vision bichromatique ou trichromatique (Voir réf. [1]). Les singes catarhiniens (singes de « l’Ancien Monde » : Afrique et Asie) auxquels appartient l’Etre humain ont une vision trichromatique alors que les singes platyrhiniens (singes du « Nouveau Monde » : Amérique du sud), à l’exception des alouates, ont une vision dichromatique. Ces derniers ne possèdent que le gène SWS1 (codant pour l’opsine bleue) et un gène ancestral LWS codant pour une opsine sensible aux couleurs rouges. Ces individus voient en rouge et bleu. La duplication de ce gène est à l’origine de la vision trichromatique (bleu, vert et rouge). La souris (qui n’est pas un primate) est indiquée ici pour montrer la séparation des primates et des autres mammifères. Toutes les autres espèces figurant dans cette figure sont des Primates. Crédits photos (via Wikimedia Commons) : Saimiri boliviensis © Julie Langford (CC BY 3.0) ; Alouate © Cephas, Simon Pierre Barette (CC BY-SA 4.0) ; Cebus albifrons © Rama (CC BY-SA 2.0-fr) ; Macaca fuscata © Alfonso Paz Photo (CC BY-SA 3.0) ; Orang-outan (c) Lionel Leo (CC BY-SA 3.0) ; Gorille (c) Carine06 from UK (CC BY-SA 2.0) ; Chimpanzé © Clément Bardot (CC BY-SA 4.0) ; Humain © A. Durand.(CC BY-SA 3.0).

 

 

 


Références et notes

[1] Adapté de http://acces.ens-lyon.fr/acces/ressources/neurosciences/vision/enseigner/pigments-retiniens-et-evolution/les-pigments-retiniens-des-outils-pour-retracer-l2019evolution