| Focus 1/1 | Symbiose et parasitisme

Plasmodium falciparum, un parasite dérivé d’une algue

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Eric Maréchal, Directeur de Recherche CNRS, Laboratoire de Physiologie Cellulaire & Végétale, Université Grenoble Alpes.

 

Encyclopédie environnement - Plasmodium falciparum - endosymbiose primaire et secondaire

Les chercheurs ont été surpris de découvrir à l’intérieur des cellules de l’agent du paludisme, Plasmodium, une structure qu’on ne connaissait jusqu’alors que chez les plantes et les algues : un plaste [1], [2]. Toutefois celui-ci n’est pas vert, il ne contient pas de chlorophylle. Quel événement majeur de l’Évolution a pu faire qu’un chloroplaste devienne un des constituants des cellules de Plasmodium ? Remontons l’évolution : les cellules à noyaux (dites cellules eucaryotes) renferment des organites simples, mitochondries et chloroplastes, formés au cours d’un processus d’endosymbiose dite « primaire » (lire Symbiose et évolution). L’analyse systématique des génomes montre qu’une seule endosymbiose primaire est à l’origine de tous les chloroplastes « primaires » : lorsqu’une cellule a « avalé » une cyanobactérie ancestrale. La Figure A montre ainsi comment une algue rouge s’est construite. Les données biochimiques et structurales actuelles indiquent que les deux membranes qui limitaient la cyanobactérie ancestrale sont à l’origine des deux membranes de l’enveloppe du chloroplaste. Puis une nouvelle endosymbiose -dite « secondaire »- s’est déroulée, qui a vu une algue être « avalée » par un eucaryote hôte dit secondaire (Figure B). Il se forme alors une cellule emboitant l’algue, comme une poupée russe. Puis l’algue ingérée s’est réduite au point de ne laisser visible qu’un plaste entouré de 4 membranes. Le plaste de Plasmodium -appelé apicoplaste- est issu d’un de ces événements, et les données moléculaires montrent qu’il est issu d’une algue rouge. L’endosymbiose a apporté un bénéfice aux deux cellules emboitées et s’est maintenue au cours de l’évolution. Au point que les liens métaboliques au sein de l’ancêtre du Plasmodium se sont consolidés et que cette association est devenue indissociable. Pour conclure ce mariage, des régions importantes d’ADN du noyau et du plaste de l’algue rouge ont migré vers le noyau de l’hôte secondaire. Suite à ce processus d’inclusion cellulaire et d’incorporation d’ADN, il résulte que Plasmodium contient dans son génome nucléaire des centaines de gènes qui codent pour des protéines ayant pour origine l’algue rouge initialement ingérée. Quant à l’apicoplaste, c’est une relique fossile de cette algue rouge.

 


Références et notes

[Photo de couverture : © NIAID (Plasmodium falciparum parasite) (CC BY 2.0) via Wikimedia Commons] ; source Figures A & B : © Eric Maréchal]

[1] McFadden GI, Reith ME, Munholland J, Lang-Unnasch N. (1996) Plastid in human parasites. Nature 381, 482.

[2] Kohler S, Delwiche CF, Denny PW, et al.(1997) A plastid of probable green algal origin in Apicomplexan parasites. Science 275, 1485-1489.

[3] Biot C, Botté CY, Dubar F, Maréchal E. (2012) Paludisme : Recherche de nouveaux traitements thérapeutiques ciblant l’apicoplaste, un organite cellulaire d’origine algale. Med Sci. 28: 163-171.

 

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