Le milieu marin
PDFPlus des deux tiers de la surface du globe terrestre sont occupés par les mers et les océans. Chauffée par l’ensoleillement, l’eau des mers voit sa température varier avec le lieu et avec la profondeur. En revanche, sa composition et donc sa salinité sont remarquablement constantes dans une mer donnée tout en manifestant quelques variations d’une mer à l’autre. Dans le milieu marin, berceau de la Vie, sous la surface libre des océans, qui n’est ni plate comme le croyaient les Anciens, ni vraiment ronde, une multitude d’organismes vivent dans des conditions très différentes de celles que l’on connaît sur terre et constituent une étonnante biodiversité.
1. Origine et étendue des océans
Au cours de la lente évolution de notre planète, la tectonique des plaques a continuellement fait évoluer les positions des continents et des océans. A l’époque de la Pangée, il y a environ 300 millions d’années [1], il n’existait qu’un seul grand océan entourant cet unique continent. Aujourd’hui, selon la classification de l’Organisation Hydrologique Internationale (OHI), il existe trois océans. L’océan Pacifique est le plus grand, sa superficie représente environ la moitié de celle de l’ensemble des océans, il recouvre à lui seul le tiers de la surface de la Terre. C’est certainement en raison de sa prédominance surfacique que le méridien médian de cet océan fut choisi comme ligne de changement de date. L’océan Atlantique est le second par sa superficie qui représente environ 30% de l’ensemble. Il est nettement mieux alimenté en eau douce que les autres océans, puisqu’il reçoit les débits de grands fleuves, comme l’Amazone, le Congo et le Saint-Laurent. L’océan Indien, le troisième par la superficie, représente environ 20% de l’ensemble. Il est presque entièrement situé dans l’hémisphère sud, entre l’Asie, l’Afrique et l’Australie.
Malgré cette classification officielle, il est d’usage de compter 5 océans sur notre planète, plutôt que 3, en distinguant au sud l’océan Antarctique, ou Austral, qui entoure le continent antarctique jusqu’aux environs du 60ème parallèle et dont la superficie représente environ 6% de l’ensemble, et au nord l’océan Arctique bordé par les terres de Sibérie, de Scandinavie, du Groenland et de l’Amérique du Nord, dont la superficie représente environ 4% de l’ensemble. Cet océan Arctique peu profond est en partie recouvert par la banquise. Globalement, la superficie de ces océans représente 71% de celle du globe.
Les mers apparaissent alors comme des sous-domaines marins, de tailles assez petites et relativement individualisés. Des raisons géographiques justifient la plupart du temps cette individualisation, comme c’est le cas pour la mer Méditerranée, qui ne communique avec l’océan Atlantique que par le détroit de Gibraltar, tellement peu large que les marées de l’Atlantique y sont freinées au point d’être fort peu ressenties sur les côtes méditerranéennes (lien vers article « Les Marées »). Au contraire, la Manche est largement ouverte sur l’Atlantique et reçoit de fortes marées, freinées par le Pas de Calais entre l’Angleterre et la France, avant de rejoindre celles de la mer du Nord, d’être à nouveau freinées par les passages étroits entre le Danemark et la Suède, et de parvenir enfin presque imperceptibles dans la mer Baltique. Dans d’autres cas, comme celui de la mer des Caraïbes, même si la séparation géographique est bien réelle et caractérisée par le long chapelet d’îles qui va des côtes du Venezuela à la péninsule de Floride, c’est plutôt en raison de l’histoire des états riverains et des conquêtes successives que l’on peut justifier l’individualisation de ces mers.
2. Densité, salinité et température du milieu marin
Dans les conditions de référence (pression de 1013 hPa, ou hectoPascal, température de 3,98 °C, salinité nulle) la masse volumique de l’eau est exactement de 103 kg/m3. Ce sont d’ailleurs ces conditions qui ont conduit à la première définition du kilogramme, valeur maximale de la masse d’un litre d’eau douce. La masse volumique de l’eau de mer varie surtout avec la température et la salinité, nettement moins avec la pression, ce qui conduit souvent à considérer ce fluide comme incompressible.
La salinité, ou fraction massique du sel, ou encore rapport de la masse de sel contenue dans une unité de volume à la masse de cette unité, se compte en g/kg (gramme de sel par kilogramme d’eau de mer). Dans les lacs et les rivières, la salinité est presque nulle, ne dépassant que rarement quelques unités. Elle peut atteindre et quelques fois dépasser 50 g/kg dans les mers, sa valeur moyenne est voisine de 35 g/kg. Elle est de 12 g/kg dans la mer Noire. Dans la mer Morte, sa très haute valeur, voisine de 275 g/kg, interdit pratiquement toute vie animale ou végétale.
Dans les mers, la température [2] de l’eau varie entre 2 et 30 °C, même si la Figure 1, relative à la mer Méditerranée, suggère une gamme de variation plus limitée, entre 13 et 24°C.
La variation de la masse volumique en fonction de la température, représentée sur la Figure 2, met en évidence son maximum, au voisinage de 3,98 °C pour l’eau douce, avec une variation décroissante entre 13 et 30 °C. Par ailleurs, en période estivale, l’eau de surface des mers les plus chaudes peut atteindre des températures de 26 à 30 °C, ce qui engendre souvent des cyclones (lire « Cyclones tropicaux, développement et organisation »).
Dans les plus hautes couches du milieu marin, l’eau de surface, chauffée par le rayonnement solaire, est soumise à de constants échanges thermiques par conduction et convection avec l’atmosphère. L’agitation par les vagues et la turbulence parvient alors à homogénéiser la température dans les premières dizaines de mètres (entre 0 et -50 m). Au contraire, dans les grandes profondeurs (au-dessous de -120 m), les échanges sont presque limités à la conduction pure et deviennent nettement plus faibles, de sorte que l’approximation d’un milieu marin au repos est bien justifiée, même si des courants profonds extrêmement lents, couplés aux courants de surface, amplifient faiblement la conductivité thermique apparente de l’eau des profondeurs (lien vers article « Circulation thermohaline »).
Entre ces deux zones, il est d’usage de distinguer une couche assez mince (entre -50 et -120 m) nommée la thermocline, où la température peut varier d’environ une dizaine de degrés entre l’eau située au-dessus et l’eau située au-dessous. La température de l’eau située au-dessus de la thermocline connait des variations saisonnières significatives, dues aux variations de l’ensoleillement, sans que celle des couches profondes ne varie. On remarque sur la Figure 1 que la thermocline de la mer Méditerranée se construit au printemps, au fur et à mesure de la progression de l’ensoleillement. Elle atteint son écart de température maximal voisin de 10°C en Août, et voit celui-ci diminuer de plus en plus en automne et au début de l’hiver. En Février et Mars, la thermocline disparait, rendant la température quasi-invariante sur toute la profondeur, entre 13 et 13,5 °C. Il est notable qu’au-dessus comme au-dessous de la thermocline la variation de température en fonction de l’altitude, même très faible, demeure croissante, de telle sorte que cette couche fluide profonde chauffée par-dessus n’est que faiblement sujette à l’instabilité convective de Rayleigh-Bénard (lien vers article « Instabilité et turbulence »), qui engendre une faible ascension des eaux profondes compensée par une descente des eaux de surface.
Ce mouvement vertical joue néanmoins un rôle clé pour la vie en profondeur du milieu marin en y régénérant l’oxygène par apport d’eau de surface. La remontée correspondante d’eau profonde (upwelling) est quant à elle bénéfique à la vie en surface en y amenant des nutriments venant des fonds marins. En Méditerranée, ce phénomène de convection profonde se localise essentiellement dans le Golfe du Lion ce qui en fait un haut lieu de l’activité biologique. Toutefois, cette convection ne se produit que lorsque les conditions nécessaires à sa présence sont réunies, ainsi la Mer Noire demeure constamment stratifiée en densité, et ceci empêche la pénétration de l’oxygène au delà d’une profondeur de 200 m. Seules des espèces très spécifiques peuvent vivre dans ce milieu marin aux conditions dites anoxiques. A l’échelle globale de la circulation thermohaline (lien vers article sur la circulation thermohaline) un phénomène similaire de convection brasse en profondeur l’océan mondial.
3. Composition de l’eau de mer
La composition chimique de l’eau de mer n’est pas une affaire simple. On y trouve en solution une grande partie des éléments chimiques, sous la forme d’un mélange complexe d’anions, de cations et de molécules. Les ions ne se réduisent ni à l’anion chlorure, ni au cation sodium, bien que ces deux éléments, largement dominants, constituent la base du sel marin (NaCl). La Table jointe indique, par ordre d’importance décroissante, la liste des cinq principaux anions et cations d’une eau de mer typique, dont la salinité serait de 35 g/kg. Il se trouve que les rapports entre les concentrations de tous ces ions varient très peu d’une mer à l’autre [3], de sorte que, si l’on mesure la teneur en l’un de ces constituants, on peut en déduire la salinité globale.
Ces éléments ont des origines variées. Certains ions proviennent de la dissolution de roches continentales par les rivières qui les transportent jusqu’aux océans, où ils séjournent pendant de très longues durées et où l’évaporation de l’eau accroît leur concentration. Une partie significative des cations provient du plancher initial des océans. Et l’origine de l’ion chlorure est souvent attribuée au dégazage du chlorure d’hydrogène issu des volcans, soluble dans l’eau.
Tableau 1. Concentrations des principaux ions dissous dans une eau de mer typique dont la salinité est de 35 g/kg.
A côté de l’eau et des sels, on trouve aussi diverses molécules à faible concentration, comme l’acide borique (0,0198 g/kg), et le dioxyde de carbone (0,0004 g/kg), ainsi que de l’azote et de l’oxygène. Il est remarquable que la quantité de dioxyde de carbone soit beaucoup plus grande dans l’eau de mer que dans l’air, environ 60 fois, sans que cette valeur ne constitue une limite supérieure de la capacité des océans à retenir cette molécule. On touche là une question très débattue en ce moment : la possibilité de séquestrer du dioxyde de carbone dans les océans, en vue de réduire la teneur de ce gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Certains suggèrent de capter ce gaz à proximité des sources émettrices et de l’injecter directement à grande profondeur dans les océans, malgré les incertitudes sur les réactions possibles, comme des modifications sensibles du pH [4] de l’eau de mer ou du cycle du carbone.
4. Le relief moyen bosselé des mers
La masse n’étant pas distribuée de façon uniforme dans le manteau terrestre, la gravité ne peut pas être uniforme à la surface de la Terre. A lui seul cet effet implique que l’altitude des océans supposés absolument immobiles doit varier en raison inverse de la gravité locale, en étant maximale où la gravité est minimale, et vice versa, de telle sorte que leur produit soit constant. En conséquence, la surface libre moyenne des océans ne peut pas coïncider exactement avec celle d’une sphère. Or, toutes les altitudes étant définies et mesurées à partir du niveau moyen de la mer, il est nécessaire de préciser ce que représente ce niveau [5]. Ceci a amené les océanographes et les géophysiciens à choisir comme référence la surface équipotentielle du champ de pesanteur (ou gravité) qui coïncide au mieux avec le niveau moyen des océans. Cette surface bien particulière, appelée le géoïde, représentée sur la Figure 3, met en évidence à quel point la surface réelle des océans s’écarte de la sphère qui correspondrait au cas d’une gravité uniforme. Cette surface bosselée représente les variations de la gravité à la surface de la Terre, aussi bien sur les continents que sur les océans [6].
5. L’étonnante biodiversité du milieu marin
Sur la Terre, formée il y a 4,6 milliards d’années, la vie est apparue dans les océans, il y a environ 3,8 milliards d’années. Et ce n’est que très récemment, à peu près 400 millions d’années avant notre ère, qu’elle a conquis les terres émergées. Des modes de vie extrêmement divers ont donc pu se développer dans les océans, où la lumière ne pénètre que dans les couches supérieures, en s’adaptant progressivement aux conditions spécifiques à ce milieu marin. Il est admis que seules quelques espèces ont réussi à passer sur terre et à s’y différencier, ce qui signifie que la majeure partie de la biodiversité sur notre planète se trouve dans le milieu marin. Les estimations les plus courantes du nombre des espèces vivantes dans le milieu marin varient entre 5 et 10 millions, mais la plus grande partie de ces espèces, surtout celles qui vivent dans les grandes profondeurs, sont encore inconnues. A titre de comparaison, le nombre des espèces vivant sur les terres émergées est de l’ordre de 1,3 million, dont 850 000 variétés d’insectes. (lire « Qu’est-ce que la biodiversité ? »).
Notes et références
Photo de couverture: https://pixabay.com/fr/photos/m%C3%A9duses-tentacules-animaux-931714/
[1] Le continent unique appelé Pangée date du Paléozoïque (entre 500 et 250 millions d’années, ou Ma, avant notre époque), ère géologique qui suivait le Précambrien (2500 à 500 Ma) et qui précédait le Mésozoïque (250 à 65 Ma), le Cénozoïque (65 à 1,65 Ma) et l’ère quaternaire actuelle.
[2] S. Levitus et T.P. Boyer, 1994, World Ocean Atlas, Vol. 4, Temperature, NOAA
[3] Cette propriété empirique est connue sous le nom de loi de Dittmar, en hommage au chimiste écossais William Dittmar (1859-1951) qui l’a tirée des analyses de prélèvements effectués au cours de l’expédition océanographique Challenger, entre 1872 et 1876.
[4] Le sigle pH signifie potentiel hydrogène. Sa valeur mesure l’activité chimique des ions hydrogène (H+) en solution et caractérise l’acidité ou la basicité d’une solution. Ainsi, dans un milieu aqueux à 25 °C, une solution est acide avec un pH inférieur à 7, neutre avec un pH égal à 7 et basique avec un pH supérieur à7.
[5] La gravité, ou poids de l’unité de masse, dérive d’un potentiel. Comme toutes les grandeurs vectorielles qui possèdent cette propriété, elle peut être représentée par une famille de surfaces équipotentielles auxquelles elle est orthogonale. Ces surfaces sont plus serrées, comme les courbes de niveau sur une carte géographique, où la pesanteur est maximale ; elles sont plus écartées où la pesanteur est minimale. Schématiquement, on peut considérer que les bosses du géoïde correspondent à des minima de la gravité, les creux à des maxima.
[6] G. Balmino, F. Perosanz, R. Rummel, N. Sneeuw and H. Sunkel, Champ, GRACE and GOCE : mission concepts and simulations, Int. Gravity Commission and Int. Geoid Commission, N°2, Trieste, 1999, vol. 40, n° 3-4, pp. 309-319.
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Pour citer cet article : MOREAU René (18 avril 2021), Le milieu marin, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 4 octobre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/eau/le-milieu-marin/.
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