La Géothermie : une source significative d’énergie ?
PDFLa chaleur contenue dans les aquifères pour lesquelles la température se situe entre 50 et 120 °C peut être exploitée pour le chauffage urbain à condition que le point de production de chaleur soit assez proche du point de consommation (de l’ordre de la dizaine de kilomètres). Lorsque la température de l’aquifère dépasse 200°C, cette chaleur peut être convertie en électricité, ce qui permet une exploitation à de nettement plus grandes distances du point de production. Les réserves françaises permettant de telles exploitations restent actuellement limitées aux seuls aquifères naturels. Mais les résultats de recherches récentes laissent espérer l’exploitation possible de la chaleur des roches chaudes peu perméables. La contribution de l’exploitation de l’énergie géothermique à la production nationale d’énergie pourrait alors devenir tout à fait significative.
1. La chaleur et ses transferts à l’intérieur de notre planète
La notion de géothermie réfère au champ de température présent au sein de la fabuleuse machine thermique qu’est la Terre. On parle de gradient géothermique pour décrire la variation de température en fonction de la profondeur. Dans la croute terrestre, ce gradient varie généralement de 20 à 40 °C/km selon les endroits, mais il peut localement dépasser les 100°C/km et même atteindre plus de 300°C/km dans certaines zones (voir figure 1).
A la notion de température se rattache la notion de chaleur, forme d’énergie dont les transferts affectent localement la température (Lire Pression, température et chaleur). On distingue les transferts de chaleur par conduction, les transferts par convection et les transferts par radiation.
Les transferts par radiation sont associés aux mouvements des photons et ne sont significatifs qu’à la surface du globe. Ils sont négligeables pour comprendre les variations de température à l’intérieur de la Terre. Les transferts par conduction, décrits par la loi de Fourier [1], interviennent lorsqu’une roche chaude est au contact d’une roche froide. Une partie de la chaleur contenue dans la roche chaude est transmise à la roche froide par conduction à travers l’interface qui sépare les deux corps. En outre, les roches sont plus ou moins poreuses et plus ou moins perméables et le volume des pores contient généralement un liquide qui se déplace en transportant avec lui sa chaleur. On parle alors de transfert de chaleur par convection.
Un exemple de transferts de chaleur impliquant tant des transferts par conduction que des transferts par convection est fourni par une éruption volcanique (Lire Les enjeux de la fracturation hydraulique industrielle). Le transport de chaleur associé à l’écoulement de la lave correspond à un transfert par convection : l’éruption volcanique évacue de la chambre magmatique une quantité de chaleur proportionnelle à la masse de lave émise lors de l’éruption. Une partie de cette chaleur est transmise aux parois des conduits volcaniques et se diffuse à leur voisinage, dans le massif rocheux, par conduction.
Deux notions liées à ces transferts de chaleur sont particulièrement importantes : celle de capacité calorifique et celle de conductivité thermique. La première permet d’évaluer la quantité de chaleur associée à une certaine masse de matériau. La seconde décrit comment la chaleur se transfère d’un volume chaud vers un volume plus froid sans mouvement de matière. Par exemple dans un fluide au repos il y a transfert de chaleur des zones les plus chaudes vers les zones les plus froides du seul fait de la conductivité thermique du fluide. Or la densité et la viscosité d’un fluide dépendent de sa température. De ce fait les variations de température peuvent engendrer des mouvements de convection dont la vitesse dépend de la viscosité, qui dépend elle-même de la température (lien vers l’article thermodynamique).
Ainsi, pour bien comprendre les variations de température avec la profondeur il est nécessaire de s’intéresser aux divers mouvements de fluides et d’identifier les sources de chaleur présentes à l’intérieur de notre planète. Le focus associé à cet article introduit quelques notions fondamentales sur la structure du globe terrestre. En particulier sont rappelées la définition de la lithosphère au comportement mécanique solide, et celle de l’asthénosphère au comportement mécanique fluide.
Une grande partie des sources de chaleur est liée à la radioactivité naturelle d’éléments qui se trouvent dans la croute terrestre. Par ailleurs une source significative de chaleur provient de la formation initiale de la Terre et est associée au noyau. De ce fait, la température à la base de la lithosphère dépend des transferts de chaleur associés aux mouvements de convection qui affectent le manteau inférieur, c’est-à-dire l’asthénosphère.
Dans la partie profonde de la croute terrestre, le gradient géothermique dépend essentiellement de trois éléments. Il dépend tout d’abord du flux de chaleur provenant de l’asthénosphère, c’est-à-dire d’une quantité de chaleur par unité d’aire (exprimée en watt par mètre carré dans le système d’unités international). Il dépend ensuite de la conductivité thermique et de la quantité de chaleur produite par la radioactivité naturelle d’éléments dans le manteau supérieur. Il dépend enfin de la conductivité thermique ainsi que de la radioactivité naturelle locale dans la croute. Pour les parties les plus superficielles de la croute, la présence de fluides dans l’espace poreux des roches peut impliquer des mouvements de convection importants. Ceux-ci affectent alors directement le champ régional de température. Ce sont de telles zones de convection qui peuvent être le site de températures très élevées à faible profondeur (par exemple 300°C à 900 m de profondeur sur l’île de Leyte aux Philippines, voir figure 1). A noter que lorsque la pression dans le fluide est suffisamment basse, ce dernier peut exister simultanément dans sa phase liquide et dans sa phase gazeuse (par exemple présence de bulles de vapeur d’eau dans l’eau liquide). On doit alors prendre en compte, outre la chaleur massique déjà mentionnée, la chaleur latente associée aux changements de phase liquide-vapeur.
2. Les variations de température au voisinage de la surface du sol
La température à la surface du sol dépend des différents échanges de chaleur qui interviennent localement (Figure 2, [3]). On distingue plusieurs mécanismes caractérisés par les termes des alinéas 1 à 5 ci-dessous, dont la somme algébrique est égale au terme (φ) de l’alinéa 6 du fait de la conservation de l’énergie.
Ces mécanismes sont les suivants :
- l’évapotranspiration (terme Et),
- le rayonnement solaire absorbé (terme Ri),
- le rayonnement atmosphérique (terme Wa),
- le rayonnement du sol (terme Ws),
- un terme d’échange convectif (h[θs-θa]) entre le sol à la température θs et l’atmosphère à la température θa,
- le flux thermique d’origine interne (φ),
Dans la pratique, on observe que le flux d’origine interne (φ) est, sauf exception comme sur les volcans, beaucoup plus faible que chacun des autres termes. Aussi la température du sol en surface diffère-t-elle peu (quelques degrés) de la température de l’air. Les variations du rayonnement solaire imposent des variations de température à la surface du sol, liées à l’ensoleillement diurne ou à ses variations saisonnières.
Ces variations de température se propagent dans les terrains sous-jacents, notamment du fait de leur conduction thermique. On observe ainsi que, du seul fait de la conduction, les variations diurnes affectent les premiers 15 cm de sol. Les variations annuelles impliquent, elles, des variations de température sur les trois premiers mètres alors que les variations séculaires peuvent atteindre les 30 premiers mètres. A l’échelle de 10 000 ans les variations affectent la température du sol par conduction jusqu’à 300 m de profondeur. Ainsi peut-on relever la trace de la dernière glaciation (apogée il y a environ 20 000 ans) dans les profils thermiques (variations du gradient géothermique avec la profondeur) jusque vers 400 à 500 mètres de profondeur, selon l’effet des perturbations liées aux circulations de fluide.
Il est remarquable que les variations de température sur des durées inférieures à l’année ne soient que de l’ordre de quelques dixièmes de degrés dès que l’on atteint quelques mètres sous la surface du sol. Par exemple, des mesures annuelles, répétées durant quelques années et effectuées dans un granite affleurant à environ 500 m d’altitude dans la région de Vichy, ont mis en évidence des variations saisonnières de température atteignant à peine le dixième de degré à 15 m de profondeur sous la surface du sol. C’est cette stabilité de la température à faible profondeur qui permet l’installation des pompes à chaleur dites géothermiques, comme nous le discutons ci-après.
3. Les modes classiques d’exploitation de l’énergie géothermique
On appelle aquifère un niveau géologique très perméable, dont la porosité est élevée, et dont les pores sont remplis d’eau. Rappelons que la perméabilité caractérise la facilité qu’ont les fluides à s’écouler dans les roches. Elle met en relation le débit d’écoulement observé entre deux sections données et la différence de pression entre celles-ci. Pour un même débit, plus la roche est perméable, plus la différence de pression requise pour assurer ce débit est faible.
L’exploitation classique de l’énergie géothermique ne concerne que les aquifères naturels et consiste à extraire la chaleur contenue dans l’aquifère en amenant à la surface du sol son eau à une température proche de celle de l’aquifère.
On distingue classiquement trois types d’exploitation de l’énergie géothermique : l’exploitation par pompe à chaleur, l’exploitation directe de la chaleur contenue dans les aquifères, et enfin, lorsque la température le permet, la production d’électricité après conversion de la chaleur d’origine géothermique.
En France, pour l’année 2012, la production d’énergie associée aux pompes à chaleur géothermique installées pour le chauffage individuel a été équivalente à un peu moins de 300 ktep (kilotonnes équivalent pétrole), soit à peu près 3,4 GWh (Giga Watt heure) [4]. La production d’énergie liée à l’exploitation directe de la chaleur géothermique s’élevait, elle, pour cette même année 2012, à 140 ktep (soit à peu près 1,6 GWh). En 2016, la puissance électrique d’origine géothermique installée en France s’élevait à 17 MW (Mégawatt), soit une production annuelle d’environ 149 GWh si l’on suppose un fonctionnement à temps plein des installations sur cette année-là. Pour mieux apprécier la contribution actuelle de l’exploitation de la géothermie dans la production nationale d’énergie, rappelons que la quantité d’énergie électrique produite en 2013 par les seules centrales nucléaires françaises s’est élevée à 391 000 GWh.
3.1. Exploitation par pompe à chaleur
Une pompe à chaleur est un dispositif permettant de transférer une certaine quantité de chaleur d’un premier milieu, qualifié d’émetteur, vers un autre milieu, qualifié de récepteur. Le système permet ainsi d’abaisser la température du milieu émetteur et d’augmenter la température du milieu récepteur.
Par exemple, une pompe à chaleur est utilisée pour abaisser la température dans un réfrigérateur (milieu émetteur), mais elle peut être aussi utilisée pour chauffer une pièce (milieu récepteur). D’ailleurs ce même principe de pompe à chaleur peut être utilisé pour rafraîchir une pièce si celle-ci est utilisée comme milieu émetteur, et non plus comme milieu récepteur. Dans le cas du réfrigérateur, l’extraction de chaleur est effectuée grâce à la détente d’un fluide, dit frigorifique, qui passe de l’état de liquide à l’état de vapeur en pompant la chaleur dans le réfrigérateur ce qui entraîne une baisse de la température locale. Cette vapeur est ensuite comprimée sous forme liquide à l’extérieur du réfrigérateur où l’opération émet de la chaleur ce qui fait monter la température ambiante locale.
On définit le coefficient de performance (COP) d’une pompe à chaleur (PAC) par le rapport entre la puissance thermique de la machine et la puissance électrique consommée. Par exemple une pompe à chaleur ayant un COP de 3 fournit 3 kWh (kiloWatt heure) thermique pour 1 kWh électrique consommé. Le coefficient de performance d’une pompe à chaleur décroit lorsque l’écart entre les températures à la source froide et à la source chaude augmente. Ainsi, si la température de la source froide est constante, l’efficacité de la pompe à chaleur décroit avec la température de la source chaude. De ce fait les pompes à chaleur dites géothermiques, c’est-à-dire dont la source froide est située dans le sous-sol, sont plus efficaces lorsqu’elles sont utilisées pour assurer une température constante dans un plancher par exemple. Dans ce cas elles assurent un chauffage de base minimum, le complément étant apporté, en fonction des besoins, par des convecteurs électriques.
Les PAC géothermiques utilisent trois types de captage de la chaleur dans le sous-sol :
- Captage horizontal. Le captage de la chaleur est assuré par un réseau de tubes parallèles horizontaux dans lesquels circule un liquide caloporteur. Ces tubes sont enterrés entre 60 cm et 1,2 m de profondeur, selon le climat. Ils sont placés sous une pelouse, mais loin d’arbres dont les racines pourraient perturber l’installation.
- Captage vertical. Le captage vertical implique une série de tubes parallèles distribués dans un forage vertical pouvant atteindre la centaine de mètres de profondeur. Ce forage, étant lui-même solidement tubé (Lire Quelques caractéristiques des techniques des forages), peut être placé à proximité d’arbres.
- Captage vertical sur nappe. Dans ce cas, l’eau de la nappe phréatique locale est utilisée directement comme fluide caloporteur. Elle est pompée grâce à un forage dit d’aspiration. Une température de nappe de 10°C ou plus est visée. L’eau de la nappe circule dans l’enceinte émettrice de la pompe à chaleur située dans la maison. Elle est rejetée dans un forage en aval du forage d’aspiration pour ne pas y perturber la température.
3.2. Exploitation directe de la chaleur
L’exploitation directe de la chaleur concerne des aquifères dont la température peut être comprise entre 50°C et 120°C. L’eau de l’aquifère est extraite grâce à un forage producteur (figure 3). A la surface du sol, elle passe dans un échangeur thermique dans lequel elle réchauffe le fluide caloporteur utilisé pour le chauffage. Une fois refroidie, elle est réinjectée dans l’aquifère, à une certaine distance du point d’extraction (de l’ordre du km) pour ne pas y perturber la température. Un tel système est appelé doublet géothermique.
La réinjection est nécessaire pour deux raisons. La première est que l’eau des aquifères d’intérêt économique (plus de 500 m de profondeur) est très généralement chargée en divers sels minéraux (à des concentrations de 6 à 35 g/l, voir plus). Elle devrait donc être épurée avant son rejet si celui-ci devait intervenir dans le système hydrographique à la surface du sol. Par ailleurs, la réinjection assure le maintien en pression du réservoir, ce qui assure un débit constant à la production.
L’énergie géothermique n’est donc pas à proprement parler une énergie renouvelable, car la quantité de chaleur extraite du réservoir géothermique est beaucoup plus importante que la quantité de chaleur apportée par le flux de chaleur régional en provenance des plus grandes profondeurs.
Les doublets doivent donc être dimensionnés (débit de production, distance suffisante entre puits injecteur et puits producteur) pour éviter leur refroidissement prématuré. Un autre élément de dimensionnement a longtemps été la corrosion qui touche les divers éléments de la boucle géothermique. Mais après avoir posé un problème lors du démarrage de ce type d’exploitation dans les années soixante-dix, ce problème de la corrosion a été bien résolu et n’affecte plus la durée de vie des doublets. Aujourd’hui, les plus anciens doublets n’ont pas connu de refroidissement prématuré pour la plupart d’entre eux et sont donc encore efficaces. Toutefois, leur vieillissement inéluctable requiert que des solutions soient trouvées pour leur renouvellement lorsque le refroidissement deviendra trop significatif. La recherche actuelle est donc orientée vers l’obtention d’une bonne caractérisation de l’extension des zones refroidies par l’exploitation, de façon à définir les zones d’implantation des futurs doublets de remplacement.
Ce type d’exploitation s’est particulièrement bien développé dans le Bassin Parisien, où la couche géologique de calcaire jurassique du Dogger s’est révélée être un aquifère tout à fait intéressant. Elle a connu également un certain succès dans le bassin aquitain. Mais pour être rentables, ces exploitations géothermiques doivent être implantées à de faibles distances des points d’utilisation de la chaleur (généralement chauffage urbain) du fait des déperditions d’énergie durant le trajet entre le forage de production et le point de chauffage. Leur domaine d’application reste ainsi limité essentiellement aux agglomérations dans lesquelles on trouve suffisamment de consommateurs à une distance acceptable du doublet, comme par exemple en région parisienne.
3.3. Production d’électricité par conversion de la chaleur en énergie électrique
Lorsque la température de l’aquifère est assez élevée, la chaleur produite peut être transformée efficacement en électricité grâce à un convertisseur situé à côté du puit producteur (voir image de couverture). On appelle gisement géothermique un volume de roche suffisamment grand pour envisager une exploitation de son énergie géothermique pendant une durée présentant un intérêt économique réel. Celle-ci atteint typiquement quelques dizaines d’année, voir plus comme à Larderello en Italie où l’exploitation du champ a débuté en 1904. Aujourd’hui de tels gisements géothermiques permettant la production d’électricité impliquent des aquifères généralement à plus de 250°C. La production peut varier, selon les gisements, de quelques dizaines de MW à plusieurs centaines de MW, voire dépasser le GW comme dans le gisement des Geysers en Californie du nord.
La rentabilité d’un gisement géothermique dépend, bien sûr, de son champ de température, mais de façon aussi significative, des volumes d’eau qu’il est possible de produire de façon stable dans le temps. Plus la température du gisement est élevée plus le débit requis pour être économiquement rentable est faible. Dans les gisements exploités depuis un certain temps, intervient une baisse locale de pression qui peut donner lieu à l’apparition de phase vapeur dans l’eau produite, ce qui affecte le vieillissement du système. Cette notion de vieillissement est un des facteurs importants à prendre en compte pour établir la rentabilité d’une exploitation géothermique.
Aujourd’hui, les gisements géothermiques exploités pour la production d’électricité sont tous localisés en région volcanique. Ainsi l’Islande ou la Nouvelle Zélande produisent l’essentiel de leur électricité à partir de géothermie. En France, la seule région où ce type de géothermie est exploité est la Guadeloupe (Antilles) : le champ de Bouillante (figure 4) permet de produire actuellement 16 MW électriques, ce qui couvre 6% des besoins en électricité de l’île.
4. L’exploitation de la chaleur des roches chaudes peu perméables
L’augmentation de température au voisinage de la surface du sol est liée à la présence d’un flux géothermique qui inclut les effets de conduction et de convection dans le milieu considéré, mais aussi d’autres effets tels que les variations climatiques passées ou encore les effets de la topographie (la température moyenne annuelle au sommet du Mont Blanc est beaucoup plus faible que la valeur mesurée à Genève par exemple). La figure 5 [5] présente une carte du flux de chaleur de la France déduite de mesures du gradient géothermique observées au voisinage de la surface du sol, après correction des effets topographiques et des effets paléo-climatiques.
On y remarque une forte anomalie au nord du fossé rhénan, ainsi qu’une zone de flux assez élevé (supérieure à 110 mW/m2) sur une large portion du territoire s’étendant du centre du Massif Central jusqu’aux Vosges.
Par exemple, la température atteint 140°C à la base de la série sédimentaire rencontrée à 1500 m de profondeur à Soultz-sous-forêts, village du nord du fossé rhénan. Elle atteint 160 °C à la limite socle–sédiments rencontrée à 2300m de profondeur à Rittershoffen situé à une quinzaine de kilomètres à l’est de Soultz. Mais si à Rittershoffen les forages ont atteint des aquifères présentant des caractéristiques de production d’eau satisfaisantes pour une exploitation économique directe de la chaleur, il n’en a pas été de même à Soultz. Pour ce site, chaud mais de trop faible perméabilité pour une exploitation classique, une nouvelle méthode d’exploitation dénommée EGS (à partir des initiales des mots anglais Enhanced Geothermal Systems) a été mise au point pour permettre une petite production d’électricité (1.5 MW).
La méthode EGS est construite sur l’idée qu’il est possible d’augmenter considérablement la perméabilité d’un massif rocheux par des stimulations hydrauliques et chimiques appropriées. L’objectif est de faire circuler, après stimulation, des débits d’eau compatibles avec l’exploitation économique envisagée, et ceci à des vitesses d’écoulement locales suffisamment lentes pour que la température de l’eau produite en surface soit proche de celle de la zone stimulée. Pour ce type d’application, il n’est pas possible d’utiliser le procédé de fracturation hydraulique classique (Lire Les enjeux de la fracturation hydraulique industrielle) car les produits granulaires, mis en place pour maintenir ouverte une fracture hydraulique à la fin de l’opération de fracturation, ont tendance à être dissous par les eaux en circulation. Il est nécessaire par ailleurs que les chenaux d’écoulement dans la roche soient suffisamment nombreux pour éviter un refroidissement prématuré du système.
La méthode adoptée à Soultz consiste à monter très progressivement en pression dans le massif rocheux profond, de façon à induire des mouvements de cisaillements le long des fractures préexistantes empruntées par les circulations d’eau. De même des injections d’acide ont permis de dissoudre localement la calcite et de diminuer ainsi l’impédance hydraulique du système (l’impédance hydraulique, inversement proportionnelle à la perméabilité, permet de caractériser les pressions requises pour atteindre des débits d’écoulement donnés). Par ailleurs, l’efficacité du processus de conversion de chaleur en électricité a été améliorée en utilisant un liquide au point d’ébullition beaucoup plus bas que celui de l’eau. Ce système expérimental fonctionne de façon satisfaisante dans sa configuration actuelle depuis l’été 2016. Il permettra de tester, en vraie grandeur, le vieillissement du système.
Une fois ces études de vieillissement achevées, le procédé EGS devrait permettre d’envisager l’exploitation de l’immense gisement géothermique que pourraient constituer les zones de flux de chaleur supérieures à 110 mW/m2 indiquées sur la figure 5. La contribution de l’exploitation de l’énergie d’origine géothermique dans la production nationale d’énergie pourrait alors devenir tout à fait significative.
Le lecteur intéressé trouvera un article complémentaire dans l’Encyclopédie de l’Énergie : Énergie Géothermique, une importante ressource cachée.
Références et notes
Photo de couverture : Production d’électricité à Soultz-sous-forêts (Bas-Rhin) à partir d’énergie géothermique extraite à près de 4500 m de profondeur. En rouge, la tête du puits producteur d’eau à 150°C ; en arrière-plan à droite de la tête de puits le convertisseur binaire assurant une production d’électricité de 1.5 MW (photo, Électricité de Strasbourg)
[1] Berest P., 1988. Phénomènes thermiques en géotechnique ; chap. 1 dans La thermomécanique des roches (Berest et Weber ed.) presses du BRGM, ; également dans Thermomécanique des roches (ed. P. Berest) à paraître en 2018 aux Presses de l’Ecole des Mines de Paris
[2] Prioul R., F.H. Cornet, C. Dorbath, L. Dorbath, M. Ogena and E. Ramos, 2000. An induced seismicity experiment across a creeping segment of the Philippine Fault; J. Geophys. Res., 105(B6), pp 13595-13612.
[3] G. Vasseur, 1988 . Propagation de la chaleur dans la terre et flux géothermique, chap. 4 dans La thermomécanique des roches (Berest et Weber ed.) presses du BRGM, ; également dans Thermomécanique des roches (ed. P. Berest) à paraître en 2018 aux Presses de l’Ecole des Mines de Paris.
[4] Boissavy C., P. Rocher, P. Laplaige et C. Brange, 2016, Geothermal Energy Use, Country Update for France, European Geothermal Congress.
[5] Lucazeau F. et G. Vasseur, 1989, Heat flow density data for France and surrounding margins, Tectonophyics, vol. 164 (2-4), pp 251-258.
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Pour citer cet article : CORNET François Henri (24 février 2020), La Géothermie : une source significative d’énergie ?, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 5 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/sol/geothermie-source-significative-denergie/.
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