| Focus 3/3 | Comment le droit protège-t-il la qualité de l’air ?

Les dimensions internationales du droit de la pollution atmosphérique

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La pollution atmosphérique transfrontière a de longue date été appréhendée par le droit international. En effet, les polluants rejetés dans l’atmosphère sont en effet transportés par les vents sur de plus ou moins grandes distances et peuvent occasionner des dommages chez l’État voisin. L’air a ainsi donné lieu au premier grand précédent jurisprudentiel en la matière : l’affaire de la fonderie de Trail qui a opposé les États-Unis et le Canada alors dominium de la Couronne britannique. Cette fonderie de zinc et de plomb avait été créée en 1886, à Trail en Colombie-Britannique, à environ sept milles à vol d’oiseau de la frontière américaine et exploitée jusqu’en 1906 par des intérêts américains. Acquise par une société canadienne, la Consolidated mining smelting company of Canada limited, la fonderie s’était développée et avait prospéré, devenant l’une des premières industries de cette contrée. Corrélativement, les émissions polluantes dans l’atmosphère, en particulier de dioxyde de soufre, avaient augmenté dans des proportions considérables au point d’occasionner des dommages aux cultures des agriculteurs américains voisins. Dans cette affaire, le tribunal arbitral a posé le principe fondamental de l’utilisation non-dommageable du territoire, repris peu après par la Cour internationale de justice et devenu depuis lors un principe de droit coutumier.

La mobilité de l’atmosphère, qui véhicule les polluants à longue distance, a révélé l’étroitesse du cadre de la responsabilité internationale. Dès lors, la seule solution était de coopérer pour réduire les émissions. La découverte dans les années 1970 de l’acidification des lacs scandinaves et du dépérissement des forêts, notamment allemandes et françaises, a suscité la prise de conscience nécessaire. C’est en réponse à l’inquiétude suscitée par les « pluies acides », que fut signée la Convention de Genève sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance le 13 novembre 1979 sous les auspices de l’UNECE (United Nations Economic Commission for Europe), qui fournissait un cadre de discussion particulièrement adapté s’agissant de problèmes environnementaux se posant à l’échelle régionale (figure). La Convention de Genève a fourni le cadre d’un impressionnant dispositif de lutte contre la pollution atmosphérique transfrontière, puisque la Convention compte aujourd’hui huit protocoles. Ce dynamisme assez exceptionnel reflète l’évolution des préoccupations et de la connaissance scientifique des problématiques écologiques (acidification, eutrophisation, pollution photochimique, contamination, changements climatiques) et explique son extension à un nombre croissant de polluants (SO2, NOx, COV – et à travers ces deux derniers, ozone – métaux lourds, polluants organiques persistants (POP), ammoniac et, à compter de 2020, particules).

Les stratégies régionales étant par essence d’une efficacité limitée pour la protection d’un environnement affranchi de toutes frontières, la lutte contre certains polluants atmosphériques particulièrement préoccupants en raison de leurs caractéristiques (toxicité, persistance, propension à la bioaccumulation et à biomagnification) et de leur totale ubiquité, s’organise progressivement dans un cadre mondial, à l’image de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (2001) ou de la Convention de Minamata sur le Mercure (2013).

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Figure 1. Planisphère montrant en couleur verte les signataires de la Convention de Genève sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (13 novembre 1979)
[Source : By AndrewRT (self-made based on Image:BlankMap-World6.svg) [Public domain], via Wikimedia Commons]