| Focus 1/3 | Les lichens, de surprenants organismes pionniers

Les lichens : des organismes hybrides

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Les lichens sont considérés comme des « cousins » des champignons car, classiquement, ils sont constitués de l’association d’un champignon et soit d’une algue verte, soit d’une cyanobactérie, soit des deux. Cette association porte le nom de symbiose, le champignon, celui de mycosymbiote, l’algue, de photosymbiote.

Les champignons lichénisés appartiennent essentiellement aux Ascomycètes (Ascomycota). Quelques lichens seulement sont formés à partir de Basidiomycètes (Basidiomycota). Quant aux algues, il s’agit à 90% d’algues vertes, dont essentiellement Trebouxia (50 à 70% des lichens) et Trentepohlia. Le reste est représenté par des cyanobactéries dont le genre Nostoc est le plus commun. Mais cette association s’avère beaucoup plus complexe (Lire Les lichens, de surprenants organismes pionniers).

1. Comment un lichen est-il-bâti ?

Enchylium tenax - lichens
Figure 1. Structure homéomère d’Enchylium tenax à thalle gélatineux [Source : document © J. Asta].
Chez les lichens gélatineux comme Lathagrium, le champignon et la cyanobactérie sont mélangés de façon homogène.

On parle de structure homéomère (Figure 1).

Chez les autres lichens, les deux partenaires sont répartis différemment pour former une structure dite hétéromère.

Chez les lichens foliacés par exemple, la structure montre des couches (structure hétéromère stratifiée).

lichens - phaeophyscia orbicularis
Figure 2. Structure hétéromère. Coupe verticale de thalle foliacé de Phaeophyscia orbicularis. [Source photo © Danièle Gonnet]
Sur une coupe verticale du thalle, on reconnait de haut en bas (Figure 2) :

  • un cortex supérieur formé uniquement de champignon,
  • une couche algale où sont entremêlés les filaments de champignon et les cellules d’algues
  • une couche médullaire ou médulle [1] où ne se trouvent que des filaments de champignon :
  • un cortex inférieur formé uniquement de champignon d’où s’échappent des filaments ou rhizines qui servent à la fixation du thalle sur le substrat.

2. Naissance d’un lichen

Deux modes de reproduction peuvent avoir lieu : la multiplication végétative et la reproduction sexuée.

Figure 3. Multiplication végétative : A gauche, isidies de Parmelia saxatilis, à droite, thalle sorédié de Lepra amara [Source photos © J. Asta]
La multiplication végétative s’effectue par fragmentation du thalle ou au moyen de boutures naturelles. Chez Lepra amara par exemple, le thalle est parsemé de taches farineuses, les soralies. Au niveau de chaque soralie, le cortex est interrompu et laisse échapper des poussières formées de filaments du champignon et des algues ou sorédies qui peuvent être transportées par la pluie, le vent, des animaux etc. et disséminer ainsi l’espèce. Les isidies proviennent de petites expansions du thalle dont le cortex persiste. Lorsque des lanières de thalle frottent l’une contre l’autre ou quand des insectes passent, ces isidies peuvent se détacher et servir aussi à la dissémination (Figure 3).

Xanthoria parietina - lichens
Figure 4. Exemple du cycle de développement de Xanthoria parietina. 1 : thalle adulte avec apothécies ; 2 : coupe verticale d’une apothécie, montrant l’hyménium (h) ; 3 : détail de l’hyménium en coupe (e : épithécium ; p : paraphyses ; s : spores ; a : asque) ; 4 : spores mûres sorties de l’hyménium ; 5 : cellules algales (Trebouxia) ; 6 : spores en germination ; 7 : stade primordial du thalle ; 8 : thalle en cours de différenciation. [Source : dessins © J. Asta]
Quant à la reproduction sexuée, l’algue n’en montre pas et se divise uniquement par mitoses. Seul le champignon présente la reproduction sexuée. Prenons l’exemple de Xanthoria parietina (Figure 4). L’organe reproducteur ou apothécie possède un tissu fertile ou hyménium constitué d’asques où prennent naissance les spores. Chaque asque contient 8 spores possédant 2 loges unicellulaires séparées par un épaississement équatorial donnant aux spores une forme de sablier. Entre les asques se trouvent des filaments stériles ou paraphyses dont l’extrémité, colorée, dépasse le sommet des asques et constituent l’épithécium.

A maturité, les spores sont expulsées violemment hors des asques puis germent sur le substrat en formant des filaments mycéliens. Pour qu’un lichen se reconstitue, le mycélium ainsi formé doit rencontrer une algue célibataire. Un nouveau thalle peut donc se reconstruire et redonner un thalle adulte. La symbiose se rétablit alors peu à peu.

 


Notes et références

Image de couverture. Xanthoparmelia conspersa. [Source : © J. Asta]

[1] Chez les lichens crustacés, la médulle est formée d’hyphes peu serrées indissociables du substrat.