Les couleurs du ciel
PDFPourquoi le ciel est-il bleu, les nuages blancs, gris, ou noirs ? Pourquoi les couchers de soleil sont-ils rouges ? Pourquoi la nuit est-elle noire ? D’où proviennent les arcs-en-ciel ? Ces phénomènes s’expliquent en grande partie par l’interaction, absorption et diffusion, de la lumière en provenance du soleil avec les composantes de l’atmosphère terrestre : gouttelettes d’eau de diverses tailles, molécules gazeuses, poussières, etc. Ces mécanismes sont à l’origine des différentes couleurs de la voûte céleste et de phénomènes spectaculaires comme le spectre de Brocken.
1. La nature de la lumière
L’atmosphère terrestre (Lire l’article sur L’atmosphère et l’enveloppe gazeuse de la Terre), visible sur la photographie d’en-tête, impose la couleur du ciel et donne lieu à des phénomènes lumineux surprenants comme les mirages et les arcs en ciel. Certains phénomènes nous sont si familiers que nous les considérons souvent comme des évidences. Pourquoi le ciel est-il bleu par temps clair ? Pourquoi les couchers de soleil sont ils rouges ? Pourquoi la nuit est elle noire ? Toutes ces questions paraissent naïves mais leurs réponses ne sont pas si simples et font appel à des phénomènes physiques que nous allons essayer d’éclaircir. Pour cela rappelons la constitution de la lumière et d’abord la nature d’une onde électromagnétique et son mode de propagation.
La lumière est une superposition d’ondes électromagnétiques. Une telle onde comporte à la fois un champ électrique, noté E, et un champ magnétique, noté B, oscillant à la même fréquence. Ces deux champs sont perpendiculaires entre eux et se propagent dans la troisième direction z, orthogonale à leurs directions, comme le montre la figure 1.
La propagation des ondes électromagnétiques s’effectue à une vitesse, souvent appelée célérité, qui dépend du milieu considéré. Dans le vide cette célérité est c = 3 108 m/s (mètre par seconde). La longueur d’onde l est la distance séparant deux maxima successifs des champs. En un point donné ces champs oscillent de manière cyclique avec une période T, qui s’exprime en secondes. La longueur d’onde est le produit de cette période avec la célérité : λ = cT. Elle s’exprime soit en mètres (m), soit en l’un des ses sous-multiples : micromètres (1 µm = 10-6 m), ou nanomètres (1 nm = 10-9 m), suivant l’échelle caractéristique du phénomène. On peut aussi bien caractériser une onde par sa fréquence ν qui n’est autre que l’inverse de la période ν = 1/T et qui s’exprime en hertz (Hz) ; 1 Hz correspond à une période T = 1s.
Le spectre électromagnétique représente la répartition de toutes les ondes électromagnétiques en fonction de leur longueur d’onde ou de leur fréquence. Ce spectre a une étendue considérable et varie de 1018 ordres de grandeur entre les longueurs d’onde les plus courtes, celles des rayons γ (10-14 m<l<10-12 m), et les plus longues, celles des ondes radio (10-1 m < λ < 104 m), comme le montre la figure 2.
Le domaine visible correspond à la partie très étroite du spectre perceptible par notre œil, entre λ = 0,4 µm pour la lumière violette et λ = 0,8 µm pour la lumière rouge (figure 3). C’est dans ce domaine visible que le rayonnement solaire atteint son maximum d’intensité, au voisinage de λ = 0,5 µm. La lumière blanche est une superposition d’ondes de toutes les longueurs d’onde du spectre visible.
En fait, la lumière possède un double aspect : un aspect ondulatoire décrit plus haut et un aspect corpusculaire qui se manifeste en particulier dans les échanges d’énergie entre le Soleil et l’atmosphère terrestre. Les corpuscules ainsi mis en jeu sont des « grains d’énergie », les photons. Chaque photon transporte un quantum d’énergie proportionnel à la fréquence de l’onde électromagnétique à laquelle il est associé, et son énergie s’écrit E = hν où h est la constante de Planck, h = 6,625 10-34 J.s (joule seconde). Ainsi, les photons de courte longueur d’onde (haute fréquence) véhiculent plus d’énergie que ceux de grande longueur d’onde (basse fréquence). Les échanges d’énergie entre le rayonnement solaire et l’atmosphère terrestre s’effectuent de façon discrète par absorption ou émission de photons.
2. Interaction du rayonnement solaire avec l’atmosphère
En traversant l’atmosphère, le rayonnement (lire Les énergies solaires) issu du Soleil subit des interactions avec les molécules gazeuses et les particules (gouttelettes d’eau, poussières, aérosols) présentes. Deux phénomènes essentiels se produisent alors : l’absorption et la diffusion. Lorsque le rayonnement est totalement ou partiellement absorbé, il y a transfert d’énergie entre le rayonnement et les molécules avec lesquelles il entre en interaction. Cela se traduit par son atténuation dans la direction de propagation. Par exemple l’ozone de la stratosphère (lire L’atmosphère et l’enveloppe gazeuse de la Terre) absorbe presque totalement les rayons ultraviolets, dont la longueur d’onde est inférieure à 0,3 µm et qui sont très nocifs pour les espèces vivantes, d’où la nécessité de protéger cette couche d’ozone.
Lorsque le rayonnement n’est pas absorbé, il peut être dévié dans toutes les directions, c’est le phénomène de diffusion atmosphérique dont la nature dépend de plusieurs facteurs : la longueur d’onde du rayonnement, la densité et la taille des particules et des molécules atmosphériques, l’épaisseur de la couche atmosphérique à traverser. On distingue généralement trois types de diffusion : la diffusion de Rayleigh, la diffusion de Mie, du nom de ceux qui les ont découvertes et analysées, et la diffusion non sélective. La prépondérance de chacun de ces types de diffusion dépend de l’état de l’atmosphère, comme décrit ci-dessous.
3. Ciel bleu avec la diffusion de Rayleigh
La diffusion de Rayleigh est due aux molécules gazeuses présentes dans l’atmosphère (O2, N2, CO2, vapeur d’eau, etc.) et aux très fines particules de poussière. Elle se produit lorsque la taille des particules diffusantes est très inférieure à la longueur d’onde du rayonnement. Typiquement, les molécules qui provoquent ce type de diffusion ont une taille inférieure au nanomètre, c’est à dire plus de mille fois plus petite que les longueurs d’onde du rayonnement visible, voisines de 0,5 micromètre.
Le champ électrique oscillant de l’onde incidente déforme le nuage électronique des atomes. Cela fait osciller le barycentre (ou centre de gravité) des charges négatives par rapport au noyau de charge positive, ce qui constitue un dipôle électrique oscillant qui rayonne dans toutes les directions et qui se comporte comme une antenne émettrice microscopique. La figure 4 représente le dipôle induit sur un atome, mais le même mécanisme se produit sur une molécule.
Remarquons que l’onde est réémise à la même fréquence que l’onde incidente ou encore que les photons diffusés ont la même énergie que les photons incidents. Mais l’intensité du rayonnement diffusé est inversement proportionnelle à la puissance 4 de la longueur d’onde du rayonnement incident. Il s’agit donc d’un phénomène sélectif qui privilégie les longueurs d’onde les plus courtes du spectre (violet, bleu). Ainsi la longueur d’onde de la lumière violette étant deux fois plus courte que celle de la lumière rouge, la lumière violette est 16 fois plus diffusée que la lumière rouge, ce qui explique la couleur bleue du ciel pendant la journée.
En revanche, à l’aube et au crépuscule, lorsque le Soleil est bas sur l’horizon, l’épaisseur de la couche atmosphérique traversée par le rayonnement pour parvenir à nos yeux est bien plus importante que pendant la journée. Les courtes longueurs d’onde sont diffusées dans toutes les directions, de sorte que l’observateur regardant dans la direction du soleil voit surtout les longueurs d’onde les plus grandes, celles associées à la couleur rouge. C’est pourquoi le ciel paraît rouge orangé dans la direction du Soleil couchant ou levant. Notons enfin que si l’on observe le ciel dans la direction du Soleil en plein jour (ce qui est dangereux), le Soleil paraît blanc car on reçoit surtout une lumière transmise directement qui est beaucoup plus intense que la lumière diffusée.
4. Ciel gris avec la diffusion de Mie
Lorsque la taille des particules présentes dans l’atmosphère est légèrement plus grande que la longueur d’onde du rayonnement ou du même ordre de grandeur, la diffusion de Rayleigh laisse place à la diffusion de Mie, dont les mécanismes et les propriétés sont différents. Cela concerne les gouttelettes d’eau, les cristaux de glace, les aérosols présents dans l’atmosphère (poussières, fumées, pollens). Cette diffusion est inversement proportionnelle à la longueur d’onde du rayonnement incident, favorisant le bleu mais de manière beaucoup moins prononcée que pour la diffusion de Rayleigh. Elle se produit plutôt dans les basses couches de l’atmosphère, les plus chargées en aérosols, et elle donne à la couleur du ciel un aspect bleu délavé voire grisâtre (figure 5).
Ainsi les différentes nuances de bleu que prend le ciel dépendent de la quantité de vapeur d’eau et de poussières dans l’air. Plus cette quantité augmente, plus la diffusion à toutes les longueurs d’onde est amplifiée, ce qui se traduit par une augmentation de la proportion de vert et de jaune donnant une teinte plus claire au bleu. En revanche, l’absence de poussières et de gouttelettes d’eau permet à la radiation bleue de prédominer comme on peut le constater en haute montagne.
5. Nuages blancs et diffusion non sélective
Cette diffusion se produit lorsque la taille des particules atmosphériques est beaucoup plus grande que la longueur d’onde du rayonnement. Elle est due notamment aux gouttes d’eau que l’on trouve dans les nuages et les brouillards, qui ont une taille de l’ordre de 100 micromètres. La diffusion non sélective affecte alors toutes les longueurs d’onde (d’où son nom) ce qui explique la couleur blanche des nuages. C’est le même phénomène qui explique la couleur blanche de la neige car la lumière est diffusée par des cristaux de neige de dimension millimétrique. Lorsque l’on voit des nuages de couleur sombre, c’est parce que la lumière du Soleil est absorbée ou diffusée par d’autres nuages qui s’interposent entre le Soleil et ceux visibles depuis le sol.
La figure 6 résume et schématise les différents modes de diffusion de l’atmosphère, qui influent directement sur la couleur du ciel en fonction de la longueur d’onde du rayonnement, de son angle d’incidence et de la nature des particules diffusantes.
6. Pourquoi la nuit est-elle noire ?
Dans l’espace, en l’absence d’atmosphère, le ciel apparaît tout noir avec des foyers lumineux correspondant aux planètes, aux étoiles et au disque solaire. On peut aussi se demander pourquoi sur Terre la nuit est noire. En fait, plusieurs phénomènes contribuent à l’obscurité du ciel sans que ce dernier soit parfaitement et uniformément noir. La lune et les étoiles éclairent faiblement notre planète et les phénomènes décrits plus haut existent. L’explication vient cette fois de notre capacité de perception de la lumière, donc de notre rétine. Celle-ci est constituée de cônes et de bâtonnets. Seuls les bâtonnets sont sensibles aux faibles lumières et ils ne perçoivent pas les couleurs (la nuit tous les chats sont gris), contrairement aux cônes, sensibles aux couleurs, qui sont actifs en lumière plus intense.
Même en l’absence d’atmosphère, le ciel ne serait pas totalement noir dans un univers infini uniformément peuplé d’étoiles, car l’image superposée de l’ensemble des étoiles lointaines produirait un fond lumineux uniforme. C’est ce que l’on peut observer dans le disque formé par notre galaxie, la Voie Lactée, où la densité d’étoiles est importante. Si l’on considère l’ensemble des galaxies, l’éclairage n’est pas non plus uniforme à cause d’un autre mécanisme : l’expansion de l’univers. Plus les galaxies sont lointaines, plus leur vitesse d’éloignement augmente et plus leur lumière est décalée vers les grandes longueurs d’onde, c’est à dire vers le rouge puis l’infra-rouge, hors de notre spectre visible. C’est l’effet Doppler sur la lumière, analogue au mécanisme qui fait que nous entendons le signal sonore d’un véhicule plus aigu ou plus grave selon qu’il se rapproche ou s’éloigne de nous.
La lumière qui, sur Terre, nous permet d’observer et souvent d’admirer la nature, provient en très grande partie de notre étoile, le Soleil. On a vu comment les particules, gouttelettes ou objets constituant l’atmosphère peuvent affecter les couleurs du ciel, ce qui vaut à la Terre d’être souvent dénommée la planète bleue, comme peuvent l’observer les cosmonautes. Ils ne voient pas les terres émergées et pour eux les océans sont des miroirs qui reflètent l’image bleue de l’atmosphère, tachetée de nuages blancs ou gris.
L’Encyclopédie de l’environnement est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.
Pour citer cet article : BELORIZKY Elie (10 juillet 2018), Les couleurs du ciel, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 5 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/air/couleurs-ciel/.
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