Les énergies solaires

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On parle couramment de l’énergie solaire, limitant cette énergie au rayonnement visible. Mais le Soleil nous envoie de l’énergie sous plusieurs formes : du rayonnement dans toutes les longueurs d’ondes, mais aussi des ions et des électrons sous forme de « vent solaire ». Quelles sont ces diverses sources d’énergie solaire perçues sur Terre ? A quoi sont-elles dues ?

Penser « énergie solaire », c’est, le plus souvent, penser à sa lumière, c’est à dire aux photons, particules de lumière associées à tout rayonnement électromagnétique, des rayons gamma au visible selon la longueur d’onde (lire Le rayonnement thermique du corps noir [1] et Les couleurs du ciel). Ils sont émis lors des changements de niveau d’énergie des atomes et des ions là où se trouve une matière assez fortement excitée, notamment dans les étoiles, et circulent dans le vide interplanétaire. Souvent, ce flux est implicitement restreint à sa composante visible, de longueur d’onde entre 0,4 (violet) et 0,7 (rouge) micron (μm). Cette vision est trop restrictive. Il serait plus judicieux de parler des énergies solaires…

1. Une source bouillonnante de photons

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Figure 1. Vénus transite devant le Soleil, le 8 juin 2004. Le disque jaune représente la photosphère du Soleil qui est visible sur cette photographie. (© Alandji Bourakissima)

La surface du Soleil depuis laquelle s’échappent les photons s’appelle la photosphère, littéralement la « sphère des photons », visible depuis la Terre (voir Figure 1). C’est une surface dynamique, de laquelle s’élèvent des bulles plus ou moins grosses de matière chaude, appelées les granulations ou les supergranulations, avec des rythmes qui leur sont propres. Elles montent, elles descendent et ainsi de suite. Si la durée de vie de ces bulles varie, en moyenne, de 18 minutes pour les granulations à 20 heures pour les supergranulations, le mouvement ascendant et descendant suit une période globale de 5 minutes : pendant cette période, le nombre de bulles qui naissent est le même que le nombre de bulles qui disparaissent.

Cette mesure est l’un des tout premiers résultats d’une branche de l’astrophysique appelée sismologie solaire, discipline qui s’est avérée l’une des plus fécondes ces dernières années en s’attachant à expliquer l’ensemble des « modes propres » (cette période de 5 minutes constitue l’un des « modes propres » du Soleil).

2. Une variété de rayonnements

Quel rayonnement s’échappe de la photosphère ? C’est un rayonnement qui a mis des millions d’années à sortir de l’étoile, qui a été absorbé, réémis d’innombrables fois et qui, au gré des collisions, a élargi considérablement son spectre (lire Les couleurs du ciel). On peut caractériser un rayonnement de plusieurs façons : par sa longueur d’onde, ou par son énergie. L’énergie est inversement proportionnelle à la longueur d’onde. Plus la longueur d’onde est élevée, plus l’énergie du rayonnement est faible. Dans l’article La météorologie de l’espace et ses conséquences sur Terre nous donnons la correspondance entre énergies et longueurs d’onde.

La plus grande partie du rayonnement solaire se trouve dans le visible. La couleur la plus intense est le bleu vert, qui correspond à une longueur d’onde centrale de cette bande visible, voisine de 0,5 micron (μm). Mais comme toutes les couleurs cohabitent, leur mélange résulte en ce jaune très brillant auquel nous sommes habitués et qui ne change guère au cours du temps : l’énergie contenue dans cette partie visible du spectre varie probablement de moins de 0,1% au cours d’une décennie.

Cette variation n’est cependant pas anodine : elle pourrait être à l’origine de phénomènes climatiques régionaux sur la Terre, tel que le petit âge glaciaire de 1550 à 1750, qui amena des hivers si froids que les principales rivières françaises gelaient suffisamment pour pouvoir être utilisées comme voies de transports avec des charriots tirés par des attelages. Paris en garde une trace, par le nom de la rue de la Glacière dans le 13e arrondissement [1] (lire  Variabilité de l’activité solaire et impacts climatiques).

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Figure 2. Illustration des diverses bandes de rayonnement suivant la longueur d’onde (λ). (lire Les couleurs du ciel). Il est important de noter que plus la longueur d’onde est grande, plus l’énergie est faible. L’énergie des rayons gamma est ainsi supérieure à celle des X, qui est supérieure à celle des UV etc…

 

Le Soleil émet aussi des rayonnements hors de la bande visible. Par exemple, des ondes dans les fréquences hertziennes (des ondes radios de grande longueur d’onde),  les mêmes que celles que nous utilisons pour la radio et la télévision. Celles-ci ne gênent en rien la vie courante, et font sur la peau des humains le même effet qu’une lampe électrique car ces ondes sont de faible énergie. Autre exemple : exposée au soleil, la peau se tanne (ou prend des coups de Soleil). Chacun a entendu dire qu’il s’agissait d’un effet des rayons ultraviolets, dont il faut se protéger (lire Impact cellulaire des UV solaires). Ces ondes là ont une faible longueur d’onde, et donc une énergie élevée par photon. La majeure partie de ces rayonnements est émise dans une couche externe à la photosphère, la couronne solaire.

L’ultraviolet n’est d’ailleurs qu’une partie du rayonnement énergétique. Le Soleil émet en effet des ondes encore plus énergétiques : l’extrême ultraviolet, le rayonnement X, le rayonnement gamma. Que ce soit dans la bande des ondes radio ou dans celle de l’ultraviolet, la quantité de photons émise est faible en regard de l’émission dans le visible, et l’énergie qui y est rassemblée ne représente guère plus de 1 dix millionième (ou encore 0,00001%) de l’énergie globale. La figure 2 montre comment l’énergie du rayonnement solaire est distribuée suivant la longueur d’onde.

La caractéristique principale de ces rayonnements hors de la partie visible est qu’ils varient dans le temps, avec une périodicité remarquable. De façon relativement régulière tout d’abord, le soleil en émet peu puis, en l’espace d’environ cinq ans et demi, l’intensité de ces rayonnements est décuplée pour diminuer ensuite et revenir à l’état de départ. Cette crue et cette décrue définissent un « cycle solaire », ou cycle de Schwabe. Il existe d’autres cycles solaires, qui vont de quelques heures à plusieurs centaines d’années.

La puissance totale rayonnée par le Soleil, tous rayonnements confondus, est de l’ordre de 4 x 1026 Watt (soit environ 260 millions de Watts par mètre carré (W/m2) de surface solaire ; 1 W = 1 J/s = 1 N.m/s). Au-dessus des nuages, la Terre n’en reçoit qu’une infime partie : 1,743 x 1017 Watts, ou encore 1361 W/m2 perpendiculaire au Soleil (lire L’atmosphère et l’enveloppe gazeuse de la Terre). Ce dernier nombre a été appelé autrefois constante solaire, en dépit du fait qu’il n’est pas aussi constant qu’on l’imaginait. On parle aujourd’hui  d’irradiance solaire totale.

3. La source du vent solaire

De la photosphère, nos yeux perçoivent le rayonnement visible, qui n’est donc qu’une partie de tout le rayonnement émis. Mais plus encore : la photosphère est le lieu d’expulsion de matière solaire, une sorte d’évaporation permanente qui crée ce que l’on a joliment qualifié de « vent solaire ». De quoi s’agit-il ?

La couche la plus externe de l’intérieur solaire, la « zone convective », est en perpétuelle ébullition. Trop loin du centre pour être compactée par la gravité, pas assez dense pour enclencher des réactions nucléaires, elle possède une forte dynamique. Or, la matière dont elle est composée est ionisée, c’est à dire constituée non pas d’atomes, mais d’ions (particules chargées) qui suivent un mouvement souvent relativement cohérent, et d’électrons, mobiles, légers, qui vont partout en assurant la neutralité électrique de l’ensemble. On appelle cela un « plasma », quatrième état de la nature à côté des états gazeux, liquide et solide. Un plasma se distingue de la matière courante, par le fait qu’il est sensible à la présence d’un champ électromagnétique et que son mouvement génère lui-même un champ électromagnétique (par effet dynamo). Le socle de la zone convective s’appelle la tachocline. La tachocline est une frontière où le plasma en mouvement de la zone convective frotte sur  une zone plus interne du Soleil, dans laquelle le plasma est compact et dénué de mouvements internes : la zone radiative. La tachocline est à la source du champ magnétique solaire.

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Figure 3. Photographie d’une éruption solaire à 304 nm (crédit : SOHO / EIT, ESA-NASA). A cette longueur d’onde, on observe plus facilement la dynamique de la surface du soleil que dans la gamme large du visible, qui donne l’aspect lissé de la figure 1. Ici, les zones sont plus froides et les zones brillantes sont plus chaudes.

Chacun sait que l’eau qui bout projette des gouttelettes au-dessus de la surface. Il en va de même à la surface du soleil. Cependant, en raison de la nature de la matière solaire, l’origine de cette éjection diffère quelque peu de celle de l’eau bouillante, et est fortement marquée par la présence du champ magnétique. De surcroît, la matière éjectée, elle-même ionisée, est capable d’emporter avec elle ce champ magnétique avec une telle efficacité que ce champ est souvent dit « gelé dans la matière ». C’est ce que l’on appelle le « vent solaire » ou le « champ magnétique interplanétaire », selon les aspects auxquels on s’intéresse.

Cette description est celle d’un observateur solidaire du Soleil. Pour un observateur extérieur à l’étoile, se rajoute à ces mouvements de particules la rotation propre du Soleil, qui est en moyenne de 27 jours terrestres. L’effet est tout à fait le même que celui du mouvement imprimé à l’eau expulsée d’un arrosoir rotatif  de jardin : une fourmi sur l’arrosoir voit l’eau s’expulser tout droit (radialement), mais le jardinier la voit décrire une spirale. Vu de la Terre, le champ magnétique interplanétaire ne paraît donc pas arriver tout droit du Soleil, mais de sa bordure, d’où il vient fouetter l’environnement spatial en une gracieuse courbe. Les caractéristiques moyennes du vent solaire au niveau de la Terre sont une vitesse de 370 km/s et une concentration de 5 millions de particules par mètre cube, c’est-à-dire un vide extrême !

De 1995 à 2009, un satellite, Ulysses, fabriqué par l’agence spatiale européenne (ESA ou European Space Agency) a tourné autour du soleil de pôle à pôle. Ses mesures, effectuées à une distance légèrement supérieure à la distance Soleil – Terre, ont révélé deux régimes de vent solaire. Entre 20° sud et 20° nord de latitude héliosphérique, le vent solaire s’écoule avec une vitesse moyenne de 370 km/s, qui est sujette à de fortes variations. Puis, en l’espace de moins d’une dizaine de degrés, la vitesse augmente jusqu’à atteindre 750 km/s. Le régime devient alors rapide, mais nettement moins perturbé. Ensuite, la vitesse croît lentement pour arriver, vers 80° de latitude à environ 800 km/s. Mais cinq années et demi plus tard, on constate que sur tout le pourtour du Soleil, les deux régimes de vent solaire, le « lent » et le « rapide » sont fortement intriqués. Dans le premier cas, le soleil est dit « calme ». Dans le second, il est dit « actif ». Il faut dix à treize ans pour revenir à une situation initiale. On appelle cette période un « cycle solaire », ou « cycle de Schwabe » déjà évoqué.

On le voit, l’activité solaire se définit de diverses façons, dont certaines ne sont pas décrites dans cet article (éruptions solaires, éjections de masse coronale, trous coronaux, taches solaires…) entièrement dévolu aux énergies solaires reçues sur Terre. Toutes les manifestations de l’activité solaire ont une origine commune : les variations du champ magnétique de l’étoile, qui commencent seulement à être bien comprises depuis le début du vingt et unième siècle.

En moyenne, le vent solaire fait perdre 1014 kg au Soleil par jour, à peine quatre fois moins que la masse perdue sous forme de rayonnement dans les réactions nucléaires du cœur. Comme la masse solaire est de 2 x 1030 kg, il faudrait plus de cinq cent milliards de siècles pour vider totalement notre étoile par ce biais, ce qui est bien supérieur à l’espérance de vie solaire, qui est de 5 milliards d’années. En définitive, la masse éjectée sous forme de vent solaire est totalement négligeable.

 


Références et notes

[1] J. Lilensten, T. Dudok de Wit, K. Matthes, Earth’s climate response to a changing Sun, ISBN 978-2-7598-1849-5, DOI: 10.1051/978-2-7598-1733-7, EDPS Ed., 2015


L’Encyclopédie de l’environnement est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.

Pour citer cet article : LILENSTEN Jean (23 janvier 2019), Les énergies solaires, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 5 décembre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/air/les-energies-solaires/.

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