| Focus 2/3 | Comment les plantes supportent-elles un régime salé ?

Potassium et Sodium : de faux jumeaux !

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1. Deux cations alcalins

sodium - potassium
Figure 1. Sodium et potassium sont très proches du point de vue physicochimique. [Source : © Schéma EEnv / Photos : plants de riz © International Rice Research Institute / CC BY-NC-SA 3.0 ; feuille de tomate © Goldlocki / CC BY-SA 3.0]
Les deux cations alcalins Na+ et K+ ont des abondances relatives similaires dans la croûte terrestre mais présentent des distributions très différentes dans la biosphère. [1] Dans la croûte terrestre et dans l’eau de mer, ce sont (et de loin !) les cations inorganiques monovalents les plus disponibles.

Sur le plan physico-chimique, ces deux ions sont très similaires. [2] L’absorption racinaire par les végétaux se fait exclusivement à partir des cations K+ et Na+ dissout dans la solution du sol. Le K+ est un macro-élément qui représente 2-5% de la masse sèche de la plante. Il est le cation le plus abondant dans le cytosol avec une concentration de ~100 mM ; celle du Na+ est, quant à elle, maintenue en dessous de 30 mM. Dans le sol, le K+ doit être à une concentration de l’ordre du millimolaire pour permettre une croissance optimale des plantes.

Par contre, Na+ est fréquemment toxique pour les plantes alors que K+ est essentiel à la vie des plantes (Figure 1). En effet, la salinité est l’une des menaces majeures et croissantes pour la production agricole. Le Na+ n’est un élément que pour certaines halophytes.

2. Le potassium est essentiel pour les plantes

potassium - potassium plantes
Figure 2. Le potassium est essentiel à la vie des plantes. [Source : © Schéma EEnv]
La croissance des plantes nécessite de grandes quantités d’ions K+ qui sont absorbés par les racines dans la solution du sol, puis distribués dans toute la plante. Les ions K+ sont lentement libérés par les particules du sol et les argiles dans la solution du sol, et leur disponibilité est souvent limitante pour une croissance optimale dans la plupart des écosystèmes naturels. Le K+ joue un rôle dans la physiologie de la plante :

  • Indispensable à des enzymes comme co-facteur dans la glycolyse (pyruvate kinase), la synthèse d’amidon (amidon synthase), la synthèse des protéines, la photosynthèse (phosphoénol-pyruvate-carboxylases) [3], …
  • Assurant à la cellule sa turgescence indispensable à l’expansion cellulaire et donc à la croissance des tissus et de la plante.
  • Responsable, en tant que soluté majeur, avec ses contre-ions (l’acide malique et l’ion chlorure), d’un gradient osmotique nécessaire pour l’entrée d’eau dans les cellules de garde lors de l’ouverture des stomates. La dépolarisation de la membrane plasmique des cellules de garde provoque la sortie du K+, le dégonflement et la fermeture des stomates. Ce mouvement stomatique est un élément clé responsable des échanges gazeux et hydrique.
  • Le potentiel de membrane des cellules varie en fonction de la concentration en K+ de chaque côté de la membrane plasmique. Or le potentiel de membrane affecte le transport de différents solutés de part et d’autre de la membrane (Figure 3).

3. Potentiel de membrane et transport de Potassium et de Sodium

ATPase
Figure 3. La force protomotrice générée par l’ATPase pompe à protons de la membrane plasmique permet le transport membranaire de K+ et de Na+. [Source : © Schéma EEnv]
L’établissement de la polarisation électrique de la membrane plasmique est un processus membranaire essentiel, en particulier chez les plantes. Ainsi :

  • De part et d’autre de la membrane plasmique, il y a une différence de potentiel électrique appelée potentiel de membrane. Autrement dit, la face cytosolique de la membrane plasmique est chargée négativement et sa face externe positivement (Figure 3).
  • Ce sont les ATPases, pompes à protons insérées dans la membrane plasmique, qui hydrolysent l’ATP, fournissant l’énergie nécessaire au transport de protons (H+) du cytosol vers le milieu extérieur. Cela crée ainsi un potentiel négatif du côté cytosolique de la membrane (Figure 3).
  • Cette différence de potentiel, stabilisée entre -100 et -200 mV par les pompes à protons, permet « d’énergiser » la membrane plasmique ; ce qui concourt au transport des ions au travers de cette membrane (Figure 3).

Or K+ joue un rôle crucial dans l’établissement de la polarisation électrique de la membrane plasmique chez les plantes. Ainsi, les concentrations externes en K+ peuvent faire varier la valeur du potentiel de membrane et les systèmes de transport du K+ de type Shaker insérés dans la membrane plasmique sont responsables de ces variations.

De son côté, le Na+ a des effets délétères dans la cellule, mais aussi à la surface de cette dernière, car il vient aussi perturber gravement la polarisation électrique de la membrane plasmique (Lire Comment les plantes supportent-elles un régime salé ?).

En particulier, le Na+ entre en compétition avec le K+ (Figure 3) pour l’absorption de ce dernier dans la cellule racinaire, car les deux ions sont transportés au travers de la membrane plasmique par plusieurs systèmes de transport identiques (canaux cationiques non sélectifs de type NSCC et transporteurs à haute affinité HKT). Ce phénomène est exacerbé en situation de stress salin (Lire Comment les plantes supportent-elles un régime salé ?).

 


Notes et références

Image de couverture. Toxicité du sodium sur des plants de riz. [Source : International Rice Research Institute / CC BY-NC-SA 3.0]

[1] Nieves-Cordones M., Al Shiblawi F.R. & Sentenac H. (2016) Roles and Transport of Sodium and Potassium in Plants. In: Sigel A., Sigel H., Sigel R. (eds) The Alkali Metal Ions: Their Role for Life. Metal Ions in Life Sciences, vol 16. Springer, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-319-21756-7_9

[2] Benito B., Haro R., Amtmann A., Cuin T.A. & Dreyer I. (2014) The twins K+ and Na+ in plants. J Plant Physiol. 171(9):723-731. doi:10.1016/j.jplph.2013.10.014

[3] Morot-Gaudry J.-F. & Joyard J. (2020), Le chemin du carbone dans la photosynthèse, Encyclopédie de l’Environnement, [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/chemin-carbone-photosynthese/.