La machine climatique
PDFCette introduction générale présente quelques notions fondamentales qui permettront au lecteur d’acquérir un aperçu de la machine climatique, c’est-à-dire du fonctionnement du système climatique et des raisons de sa complexité. On définira d’abord ce que signifie le mot « climat » (en le distinguant clairement de la météorologie) et l’on présentera ensuite une vision synthétique des composantes essentielles du système climatique. Les notions de forçage et rétroaction permettent de clairement distinguer des effets et des mécanismes externes et internes à l’origine de changements climatiques. La question de la prévisibilité du climat à différentes échelles de temps est ensuite évoquée. On termine avec une introduction rapide des méthodes de travail utilisées en climatologie et des nombreuses disciplines afférentes (physique, géologie, chimie, biologie,…).
1. Qu’est-ce que le climat ?
Le climat est souvent défini par les conditions météorologiques moyennes (température, pluie, vent, etc.), ou plutôt comme une description statistique du « temps » en terme de moyennes et de variabilité (fluctuations, tendances, fréquences et intensité des extrêmes), pour des périodes de temps dépassant le mois. Classiquement ces statistiques sont calculées sur une période de 30 ans. La météorologie, discipline scientifique proche de la climatologie, concerne la prévision du temps aux échéances plus courtes, en-deça du mois. Les grandeurs physiques prises en compte sont bien sûr la température, mais aussi les précipitations, la couverture nuageuse, la vitesse et la direction du vent, etc. (Lire Introduction à la prévision météorologique).
La nécessité de considérer des durées de plusieurs décennies vient de la grande variabilité du système climatique. Ainsi, la température moyenne globale, peut varier typiquement de 0,2°C d’une année à l’autre (Figure 1, [1]) ; à un endroit donné, l’amplitude de cette variabilité interannuelle peut dépasser plusieurs degrés (Figure 2). Il existe des structures typiques (appelées « modes ») de variabilité spatiale ou temporelle telles que l’Oscillation Australe-El Niño (ENSO) ou l’Oscillation Pacifique Décennale. Le terme « oscillation » indique ici qu’il s’agit de phénomènes répétitifs (mais en réalité sans fréquence bien définie) ; souvent, ces modes de variabilité sont centrés à un endroit particulier du globe, comme leur nom l’indique.
À l’échelle globale, le climat de la Terre a varié, varie et variera à toutes les échelles du temps, de la centaine de millions d’années à la décennie. La température moyenne globale à la surface et le volume global de glace (via son effet sur le niveau des mers : plus il y a de la glace posée sur les continents sous formes de calottes comme celles du Groenland ou de l’Antarctique actuellement, plus le niveau global des océans est bas) sont naturellement des indicateurs privilégiés pour caractériser le climat et sa variabilité.
À l’échelle plus locale, toutes les caractéristiques environnementales influencées par le climat (glaciers de montagne, végétation, lacs, etc) peuvent servir d’indicateurs du climat (Figure 1). Les traces de l’état passé de ces éléments naturels sont utilisées pour « reconstruire » les climats de périodes passées pour lesquelles nous ne disposons pas de relevés météorologiques.
2. Pourquoi « machine climatique » ?
Le soleil est la source d’énergie essentielle pour le système climatique. A peu près la moitié du rayonnement solaire est absorbée par la surface de la Terre, l’autre moitié étant soit réfléchie vers l’espace (environ 30%) soit absorbée directement dans l’atmosphère (les 20% restants). Le rayonnement absorbé réchauffe la surface de la Terre. Or tout corps émet un rayonnement dit « thermique », fonction de sa température : plus il est chaud, plus son rayonnement thermique est élevé. Aux températures typiques du système climatique, ce rayonnement thermique est infra-rouge, invisible. La surface de la Terre et l’atmosphère émettent donc un rayonnement thermique qui constitue un flux d’énergie sortant. A long terme, le flux d’énergie solaire absorbé par la Terre est proche du flux d’énergie émis par la Terre sous forme de rayonnement thermique. Une différence entre les flux d’énergie entrant et sortant entraîne une variation du contenu énergétique du système climatique – autrement dit un réchauffement ou un refroidissement global.
Au cœur du système climatique, l’atmosphère et les océans, par leurs vents et courants, distribuent l’énergie solaire excédentaire des basses latitudes en direction des pôles, déficitaires. C’est dans ce sens qu’on peut parler d’une « machine » : des différences de température sont converties en mouvement, dont l’énergie cinétique est, bien sûr, dissipée en chaleur.
Les mouvements atmosphériques et océaniques sont aussi bien horizontaux que verticaux même si le système climatique est, en réalité, un système très aplati : alors que 80% de la masse de l’atmosphère sont concentrés dans les 10 premiers kilomètres au-dessus de la surface, l’atmosphère couvre toute la surface de la Terre et se mesure donc à l’horizontale en dizaines de milliers de kilomètres. Le même constat vaut pour l’océan, profond en moyenne de 3800 m. Cependant, les éléments marquants de la circulation générale de l’océan et de l’atmosphère comprennent des mouvements verticaux, causés essentiellement par des différences de densité entre masses d’eau ou d’air. Dans l’atmosphère, ces différences de densité sont pour l’essentiel causées par des différences de température (et de contenu en vapeur d’eau) ; dans l’océan, ce sont la température et la salinité qui déterminent majoritairement les différences de densité à l’origine de mouvements ascendants et descendants.
Ainsi, par exemple, la circulation de Hadley de l’atmosphère des basses latitudes (Lire La Circulation atmosphérique : son organisation) est caractérisée par un mouvement ascendant des masses d’air surchauffées de la région équatoriale. Ces masses d’air se refroidissent lors de leur ascension (par décompression), ce qui provoque des pluies abondantes dans ces régions. Parvenues une altitude proche d’une dizaine de kilomètres, ces masses d’air s’éloignent de l’équateur vers le nord et vers le sud. La rotation de la Terre induit une déviation vers l’est de ce mouvement horizontal à cause de la conservation du moment cinétique et de la force de Coriolis. À l’aplomb des grandes zones désertiques subtropicales, ces masses d’air descendent et se réchauffent : ce réchauffement diminue encore l’humidité relative de l’air, d’où la faible couverture nuageuse à l’origine de la formation de ces déserts. À la surface, un mouvement horizontal inverse à celui d’altitude se met en place et ces vents de surface en direction de l’équateur, déviés vers l’ouest par la force de Coriolis, s’appellent les alizés (Lire Le rôle clé des alizés).
Au delà de ces grands systèmes de circulation générale, dont la circulation de Hadley est un exemple iconique, de nombreux systèmes transitoires caractérisent les circulations atmosphérique et océanique. Ainsi, la succession d’anticyclones et de dépressions est un élément du « temps » bien connu aux moyennes latitudes. Ces systèmes transitoires sont, de la même manière que les systèmes de circulation stables, causés de façon ultime par les différences d’ensoleillement entre basses et hautes latitudes, et effectuent un transport d’énergie en direction des pôles. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’océan et l’atmosphère transportent à peu près la même quantité d’énergie de l’équateur aux pôles.
3. Un système complexe
D’autres composantes complètent ce système climatique : la glace (glace de mer et glace continentale), souvent appelée « cryosphère » ; les êtres vivants, notamment la végétation, qui constituent la « biosphère » ; la surface continentale. Les composantes du système interagissent entre elles via des échanges d’énergie (essentiellement chaleur, mais aussi énergie cinétique), d’eau et de carbone. Evidemment, ces flux d’énergie, d’eau et de carbone ont aussi lieu à l’intérieur de chacune des composantes du système climatique (Lire Les modèles de prévision météorologique).
La mention du cycle du carbone peut étonner ici, alors que celle des flux d’énergie et d’eau ne surprendra sans doute pas le lecteur novice : en effet nous voyons et ressentons ces derniers tous les jours, et nous visualisons facilement le cycle de l’eau, depuis son évaporation au-dessus de l’océan, son transport dans l’atmosphère, la formation de nuages, la pluie, l’écoulement de l’eau dans une rivière et son retour vers l’océan. Cependant, le cycle du carbone est essentiel parce qu’il détermine la concentration de deux principaux gaz à effet de serre persistants dans l’atmosphère, à savoir le CO2 (dioxyde de carbone) et le CH4 (méthane). La vapeur d’eau et les autres gaz à effet de serre ont la capacité d’absorber le rayonnement thermique (infra-rouge) émis par la surface de la Terre et par l’atmosphère elle-même. Ce rayonnement est ensuite renvoyé en partie vers la surface de la Terre, où il est de nouveau absorbé : cette énergie réchauffe la surface de la Terre. L’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère mène ainsi à une absorption plus efficace de ce rayonnement thermique, et donc à un réchauffement de la surface de la Terre.
La compréhension du cycle de carbone, en plus des cycles de l’énergie et de l’eau, est donc primordiale pour la compréhension du fonctionnement du système climatique. Comme les autres cycles mentionnés, il est en réalité d’un très grande complexité : le carbone dans l’atmosphère, essentiellement sous forme de CO2, est capté par la végétation et le phytoplancton océanique via la photosynthèse et transformé en matière organique : bois, feuilles, etc. Lors de la décomposition de cette matière organique, ce carbone peut être réémis dans l’atmosphère, de nouveau essentiellement sous forme de CO2. Une partie du carbone assimilé par le phytoplancton dans l’océan va se retrouver sous forme de sédiments océaniques, essentiellement retiré du cycle de carbone « rapide ». À très long terme (au-delà du million d’années), l’équilibre – ou le déséquilibre ! – entre ce flux et les émissions volcaniques de CO2, malgré leur faible magnitude, devient essentiel pour la dynamique du climat.
On aperçoit ici la raison de la grande complexité du système climatique : le grand nombre de processus intervenant aussi bien à l’intérieur de chacune des composantes individuelles qu’à l’interface de ces composantes. Cette complexité rend la compréhension du système climatique difficile et pose un défi considérable aux climatologues qui cherchent à prédire son évolution. Elle est également l’une des sources de la variabilité climatique à des échelles de temps très diverses. Pour apprivoiser cette complexité, deux concepts fondamentaux nécessaires sont celui des forçages et celui des rétroactions climatiques.
4. Forçages et rétroactions
Il est bien connu que la prévision météorologique devient très incertaine typiquement au-delà d’une semaine. Ceci suggère une imprévisibilité encore plus grande du système climatique aux longues échelles de temps. La question est donc souvent posée aux climatologues : comment peuvent-ils comprendre et prévoir l’évolution du système climatique à des échelles de temps au-delà de la décennie ? La réponse est celle-ci : le climat est un ensemble de grandeurs statistiques et ces grandeurs statistiques sont, dans certaines limites, prévisibles. Ainsi, le lecteur conviendra que le prochain mois de juillet en France métropolitaine sera, sauf cataclysme majeur, certainement plus chaud que le prochain mois de décembre. La raison est évidemment le fait que le rayonnement solaire moyen en juillet est plus fort qu’en décembre. En termes techniques, il s’agit ici d’un forçage : le rayonnement solaire incident au sommet de l’atmosphère est déterminé par un facteur extérieur au système climatique – c’est la configuration de l’orbite de la Terre et la position de son axe de rotation qui déterminent ces variations saisonnières du rayonnement incident et qui forcent l’atmosphère vers un état moyen très différent entre les mois d’été et d’hiver.
Aux échelles de temps climatiques (au-delà de quelques mois), il devient donc possible de prédire comment des grandeurs statistiques qui définissent le climat réagissent à des variations des facteurs qui les déterminent (par exemple les flux radiatifs). Ainsi, l’augmentation de la concentration du gaz à effet de serre CO2 (due à la consommation massive de combustibles fossiles) modifie les flux radiatifs, comme cela est décrit au paragraphe 3. Il s’agit, en termes techniques, d’un forçage, auquel le système climatique répond. D’autres forçages ont déterminé l’évolution du climat à toutes les échelles du temps dans le passé : par exemple, la lente dérive des continents impose des modifications dans les courants océaniques et atmosphériques ; des périodes de volcanisme intense peuvent d’un côté mener à une réflexion plus forte du rayonnement solaire par l’atmosphère et donc à un refroidissement du climat et d’un autre côté causer, à long terme, une augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique et donc induire un réchauffement.
L’histoire climatique de notre planète regorge d’exemples de réponses de notre système climatique à des forçages divers ; la modification par l’Homme de la composition atmosphérique et de l’état de la surface de la Terre n’est que le dernier exemple d’un forçage auquel le système climatique répond de façon a priori prédictible (Figure 3, [2]).
Cependant, la multitude de processus et composantes qui ensemble forment le système climatique donne lieu à des phénomènes d’amplification et d’amortissement de la réaction du système climatique aux forçages. Un exemple bien connu d’amplification est lié à la présence de la neige. Lorsque le climat se réchauffe, la couverture neigeuse recule. Les surfaces précédemment enneigées et blanches deviennent plus sombres. Or, une surface sombre réfléchit moins bien le rayonnement solaire et l’absorbe plus. Cette absorption accrue de rayonnement solaire réchauffe la surface, ce qui va mener à une réduction accrue de la couverture neigeuse. Il s’agit ici donc d’une amplification d’une variation climatique par un processus interne au système climatique : c’est ce qu’on appelle une rétroaction positive. Dans le cas d’un amortissement, on parle d’une rétroaction négative. Il est important ici de noter qu’une rétroaction positive ne mène en général pas à un « emballement » du système.
Le fait que notre système climatique ait permis le développement de la vie depuis des milliards d’années prouve au contraire qu’il s’agit en général de rétroactions amplifiant la réponse du système d’un facteur nettement plus proche de 1 que de 10. Cependant, on doit noter que l’effet combiné des principales rétroactions climatiques, en jeu dans le changement climatique actuel, est positif. Ces principales rétroactions sont liées à la couverture nuageuse, à la vapeur d’eau, à la structure verticale de l’atmosphère, et à l’extension de la glace et la neige (Figure 4, [2]). La rétroaction liée à la vapeur d’eau est très forte, car sa concentration s’ajuste très rapidement (~10 jours) à la température atmosphérique.
5. Changements abrupts et irréversibles
Parfois, la réponse d’une composante du système climatique ou du climat lui-même à un forçage extérieur qui varie lentement s’accélère brutalement : on parle de changements abrupts. L’existence de tels changements abrupts est souvent, mais pas toujours, liée à des rétroactions positives. Il peut s’agir aussi, de façon très simple, du dépassement d’un seuil physique ou biologique, par exemple la fonte de la glace à partir du moment où la température atteint 0°C, ou la disparition d’un écosystème lorsqu’un seuil de tolérance (par exemple la sécheresse) est dépassé. L’évolution rapide du sous-système concerné peut dans ce cas, à son tour, induire un changement climatique rapide.
La question de l’irréversibilité des changements climatiques est liée à celle des changements abrupts. On définit un changement comme irréversible si, après annulation du forçage initial, le système ne revient pas à son état initial dans un laps de temps du même ordre de grandeur que la durée d’annulation du forçage. Par exemple, on estime actuellement qu’une exposition prolongée (quelques centaines d’années) de la calotte de glace groenlandaise à un climat 2°C plus chaud que le climat du début du 19e siècle (« pré-industriel ») mènerait très certainement à la fonte quasi-totale de cette calotte de glace en quelques milliers d’années. Si, une fois le processus de fonte de la calotte bien entamé, le climat global revenait à son état initial du début du 19e siècle, la calotte de glace ne reprendrait plus sa configuration d’avant : en effet, la surface de la calotte serait, suite à une fonte partielle, à plus basse altitude et donc exposée à un climat plus chaud (on rappelle que le vaste plateau terrestre situé sous la calotte de glace groenlandaise se situe actuellement à plus de 3000 m d’altitude).
L’identification d’éléments du système climatique susceptibles de réagir de façon abrupte et/ou irréversible et la quantification des seuils de changement impliqués constituent des facettes de la recherche actuelle en climatologie.
6. La climatologie, une science multidisciplinaire
Au début de cet article, la différence entre météorologie et climatologie était décrite comme liée à des échelles de temps, courtes (de l’ordre de la semaine) pour la météorologie et longues (au-delà du mois, avec des périodes d’intégration de plusieurs décennies) pour la climatologie. Nous pouvons aussi voir, en termes plus mathématiques, la météorologie comme un problème aux conditions initiales (« Étant donné l’état de l’atmosphère aujourd’hui, quel sera son état dans trois jours ? »), alors que la climatologie est un problème aux conditions aux limites (« Quel temps moyen fera-t-il dans 50 ans si je modifie la concentration de CO2 dans l’atmosphère ? »). On voit clairement dans cette dernière question revenir le concept des forçages du système climatique. Ceci étant dit, la climatologie est dans un certain sens une fille de la météorologie, et elle partage de nombreux outils et méthodes avec celle-ci (lire Introduction à la prévision météorologique).
Néanmoins, la climatologie, parce qu’elle doit nécessairement prendre en compte plus de phénomènes physiques et biologiques que la météorologie, est une science multidisciplinaire : les composantes du système climatique – biosphère, atmosphère, océan, glace, surfaces continentales – s’appréhendent à travers la biologie, la chimie, la physique, la géologie, l’hydrologie, et d’autres sciences. Les outils de la climatologie, notamment les modèles de climat, utilisent massivement les mathématiques appliquées (Lire Les modèles de biosphère, hydrosphère et cryosphère).
Pour des raisons évidentes, la climatologie a un besoin crucial d’observations à long terme et avec une bonne couverture spatiale. Le travail de collecte de ces données, de leur traitement (homogénéisation, etc) et de leur analyse est colossal, et peu visible par le grand public. Il s’agit des longues séries de relevés de température et de précipitations, des longues séries d’observations des glaciers, qui constituent le point de départ de presque toute la science du climat. Contrairement à d’autres sciences, l’expérimentation, par contre, est moins présente, tout simplement parce que nous n’avons qu’un seul système climatique, une seule planète, avec laquelle nous ne pouvons pas faire d’expérience contrôlée. Ceci dit, l’humanité est en train d’effectuer une expérience gigantesque qui consiste à augmenter artificiellement la concentration des principaux gaz à effet de serre à durée de vie longue dans l’atmosphère ! Par contre, certains détails du système climatique peuvent être accessibles à la quantification expérimentale : par exemple, il est possible d’analyser expérimentalement la réponse d’arbres à une augmentation locale et persistante de la concentration de CO2 dans l’atmosphère ambiante, comme ceci a été fait lors des expériences FACE (Free-Air Carbon dioxide Enrichment).
Comme le système climatique en tant que tel est inaccessible à l’expérimentation, la seule façon de pouvoir prédire son évolution de façon détaillée est la modélisation basée sur notre compréhension actuelle. Etant donné la complexité du système, la modélisation mathématique détaillée n’est pas possible de façon analytique. Le nombre de processus impliqués est beaucoup trop grand, et il faut donc passer à la modélisation numérique. Celle-ci consiste à représenter les processus physiques, chimiques et biologiques en jeu de façon aussi détaillée que possible, sous forme d’équations transformées en code informatique afin de calculer l’évolution du système à l’aide de puissants ordinateurs. Les outils les plus complets souvent utilisés pour les projections climatiques à l’échelle du siècle sont les Modèles du Système Terre couplés. Ils représentent le fonctionnement détaillé et couplé des sous-systèmes essentiels du système climatique. Pour ce faire, l’atmosphère est par exemple représentée par un maillage de l’ordre d’une centaine de kilomètre à l’horizontale et d’une cinquantaine de niveaux verticaux. L’évolution de l’état de l’atmosphère est ensuite calculée sur plusieurs décennies avec un pas de temps de quelques minutes à partir d’un état initial donné. L’ordinateur simule ainsi le temps qu’il fait à tous les endroit du globe (avec une résolution d’une centaine de kilomètres), pas de temps par pas de temps. Il fait donc littéralement « la pluie et le beau temps ». Les processus représentés sont la dynamique des fluides terrestres, qui régit le mouvement des masses d’air, le transfert radiatif, les processus de turbulence à petite échelle, la formation de nuages, les précipitations, etc. L’ordinateur calcule de la même façon l’évolution de l’océan et des autres composantes du système climatique ainsi que leurs échanges, d’eau, d’énergie, de carbone etc, essentiellement au même pas de temps. A cause de la complexité du système climatique, ces modèles couplés du système Terre sont parmi les plus gros consommateurs de puissance de calcul informatique au monde.
La collecte et l’interprétation d’indicateurs du climat du passé (sédiments océaniques, carottes de glace, etc) constituent une branche particulière de la climatologie, à savoir la paléoclimatologie. La connaissance de l’évolution passée du climat fournit une mise en perspective extrêmement précieuse des changements climatiques actuels. Elle permet aussi de tester notre compréhension du système climatique et nos modèles de climat dans un contexte différent de l’actuel, et donc d’évaluer la robustesse et la validité de notre compréhension et de nos modèles.
Références et notes
[1] Stocker, T.F., D. Qin, G.-K. Plattner, L.V. Alexander, et al. , 2013. Résumé technique. In: Changements climatiques 2013 : Les éléments scientifiques. Contribution du Groupe de travail I au cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Stocker, T.F., D. Qin, G.-K. Plattner, M. Tignor, S.K. Allen, J. Boschung, A. Nauels, Y. Xia, V. Bex et P.M. Midgley (dir. pub.)]. Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni et New York (NY), États-Unis d’Amérique. https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_brochure_fr.pdf
[2] Cubasch, U., D. Wuebbles, D. Chen, M.C. Facchini, D. Frame, N. Mahowald and J.-G. Winther, 2013. Introduction. In: Climate Change 2013: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Stocker, T.F., D. Qin, G.-K. Plattner, M. Tignor, S.K. Allen, J. Boschung, A. Nauels, Y. Xia, V. Bex and P.M. Midgley (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 119–158, doi:10.1017/CBO9781107415324.007. https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_Chapter01_FINAL.pdf
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Pour citer cet article : KRINNER Gerhard (30 octobre 2018), La machine climatique, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 4 octobre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/climat/la-machine-climatique/.
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