Pression, température et chaleur
PDFPression, température et chaleurs sont des quantités utilisées dans la vie courante, et tout particulièrement en météorologie. Leur définition physique, plus complexe qu’il ne paraît, résulte d’une longue évolution historique. Dans toute matière, la chaleur représente l’énergie d’agitation des particules élémentaires qui la composent, molécules atomes et électrons. Dans le cas des gaz, une application simple des lois de la mécanique permet d’établir la loi des gaz parfaits reliant pression, volume et température. Ces notions s’étendent au rayonnement électromagnétique, qui peut être considéré comme un gaz de photons en équilibre avec la matière.
1. Pression
La pression d’un fluide peut être définie comme la force (ou poussée) qu’il exerce par unité de surface sur la paroi du récipient qui le contient. Lorsqu’une paroi est soumise à une force de pression sur chaque face, la force nette qu’elle subit par unité de surface est la différence de pression de part et d’autre. Pour mesurer la pression absolue au sein d’un fluide, il faut donc faire le vide d’un côté. C’est le principe du baromètre, utilisant la déformation d’une capsule vide d’air sous l’effet de la pression atmosphérique. La Figure 1 (à droite) montre un baromètre mécanique où la déformation des disques est transmise à un stylet enregistreur. Les instruments récents utilisent en général le même principe, mais avec une mesure électronique de la déformation et un affichage numérique.
Historiquement, les premières mesures utilisaient une colonne de mercure dans un tube en U, voir Figure 1 (à gauche). Le tube est initialement rempli de mercure en position inclinée puis le vide apparait en A lorsqu’on le redresse, suite au décollement du mercure. La surface B reste en contact avec l’atmosphère. L’excès de pression y est compensé par le poids de la hauteur de mercure, 76 cm en moyenne au niveau de la mer. La pression est obtenue comme le produit de cette hauteur de mercure par sa masse volumique, 13 600 kg/m3, et par l’accélération de la gravité 9,8 m s-2. La hauteur de 76 cm correspond ainsi à une pression atmosphérique standard de 1,013 x 105 Pa. L’unité de pression internationale est le pascal (1 Pa = 1 N/m2), mais le bar (105 N/m2) et le millibar, appelé aussi hectopascal (1hPa = 103 N/m2), sont souvent utilisés.
Le premier baromètre à mercure de ce type a été réalisé par Evarista Toricelli en 1643 pour reproduire et expliquer un phénomène observé dans les fontaines de Florence : l’eau ne pouvait pas être aspirée sur une hauteur dépassant 10 m, la colonne d’eau se scindant alors spontanément. Cette hauteur limite se réduit à 76 cm en utilisant le mercure, 13,6 fois plus dense. Toricelli attribuait cette pression atmosphérique au poids de l’air, notion très discutée à l’époque de même que la notion de « vide ». En 1648, Blaise Pascal apporta une vérification cruciale en montrant que cette pression diminue avec l’altitude dans ses célèbres expériences au Puy de Dôme. Ainsi au niveau de la mer, notre corps est compressé par toute la colonne d’air de l’atmosphère, équivalente à une colonne de 10 m d’eau. Lors d’une plongée sous-marine, chaque mètre de descente augmente d’autant la pression subie. Inversement, toute ascension la réduit.
L’équilibre d’une colonne fluide impose donc que son poids soit compensé par la différence des forces de pression à chaque extrémité (Figure 2a). Ce raisonnement ne s’applique que si les parois du haut et du bas sont horizontales. La force de pression sur une paroi est cependant indépendante de son orientation, comme le montre l’examen de l’équilibre des forces de pression sur les faces d’un coin (Figure 2b). La force est en effet toujours perpendiculaire à la paroi, un fluide ordinaire comme l’air ou l’eau ne pouvant transmettre de force tangentielle à l’état de repos [1]. Si l’on note p1, p2, p3 les pressions sur les trois faces du coin, une projection des forces sur l’horizontale et la verticale montre que l’égalité de ces trois valeurs s’impose à l’équilibre. [2]
La pression considérable que subit notre peau ne nous affecte pas, bien au contraire, car une force égale et opposée s’exerce à l’intérieur des poumons [3]. Et la somme vectorielle des forces de pression, loin de constituer un fardeau, est en réalité dirigée vers le haut. En effet ce n’est autre que la poussée d’Archimède, égale au poids de l’air déplacé. Cette force nous allège d’environ 1/800 de notre poids, rapport des masses volumiques de l’air et du corps humain. Toute parcelle d’un fluide au repos reste en équilibre entre son poids et la poussée d’Archimède, résultante des forces de pression agissant sur sa surface.
La pression est ainsi définie en tout point du fluide, indépendamment de l’orientation de la surface sur laquelle se manifeste la force de pression. La pression induite par le poids de la colonne fluide est dite hydrostatique. Dans un écoulement, s’y ajoute une pression dite dynamique induite par l’accélération du fluide. C’est ainsi qu’apparaît une dépression au cœur des tourbillons, se traduisant par un creusement de la surface libre dans un lavabo ou une rivière, ou par l’aspiration du toit d’une maison dans une tornade. Cet effet peut être compris comme un équilibre entre force de pression et force centrifuge orientée vers l’extérieur du tourbillon. Au cœur du tourbillon, la pression doit être inférieure à sa valeur en périphérie pour compenser cette force centrifuge. Pour les grands tourbillons atmosphériques, une dépression apparait au cœur des cyclones, qui tournent dans le même sens de rotation que la Terre (Lire « Cyclones tropicaux : développement et organisation »). Les anticyclones, de sens opposé, sont quant à eux le siège de haute pression en raison de la force de Coriolis (lien à introduire).
2. Température
Nous savons tous ressentir qu’un milieu est plus ou moins chaud, d’où la notion intuitive de température. C’est cependant l’une des grandeurs physiques les plus difficiles à définir et à mesurer. Il est reconnu depuis la fin du 19e siècle que la température représente l’énergie d’agitation des particules élémentaires du milieu considéré, atomes ou molécules. En pratique la température d’un milieu est repérée par un thermomètre, dont les versions les plus traditionnelles utilisent la dilatation d’un liquide. C’est sur ce principe que fonctionne le thermomètre inventé par Galilée en 1602 (Figure 3), ainsi que les thermomètres à liquide (alcool ou mercure) inventés ultérieurement. Le physicien Daniel Gabriel Fahrenheit proposa en 1724 une échelle de température encore utilisée aux USA : le zéro correspond à la température la plus basse qu’il ait observée dans sa ville de Danzig (Gdansk), et 100 °F à une température haute mesurée dans le cul d’un cheval. Le suédois Anders Celsius introduisit plutôt la glace fondante et l’eau en ébullition pour définir les températures 0°C et 100°C, graduant uniformément le thermomètre entre ces deux repères [4]. A ce stade il s’agit d’une échelle de température, plutôt qu’une mesure, car l’addition de température n’a pas de sens, de même que la multiplication par un facteur.
D’autres phénomènes dépendent de la température et permettent ainsi de la repérer. Les thermomètres électroniques utilisent en général la variation d’une résistance électrique. Ils utilisent soit un film de platine, choisi pour sa stabilité, soit une thermistance à semi-conducteur, choisie pour sa grande sensibilité à la température. Les cristaux liquides permettent quant à eux une visualisation directe de la température par la variation de leur couleur. Les thermocouples sont constitués de deux fils de métaux différents soudés à leurs deux extrémités : lorsque ces deux soudures sont à des températures différentes, une différence de potentiel électrique est produite entre elles, qui permet de mesurer la différence de température.
Une observation fondamentale est qu’un milieu laissé au repos et isolé de l’extérieur tend vers un état de température uniforme. C’est ce qu’on appelle l’équilibre thermique. On peut ainsi définir l’égalité des températures de deux corps s’ils restent dans le même état d’équilibre après leur mise en contact.
La température affichée par un thermomètre est celle du thermomètre lui-même. Il faut donc s’assurer que ce thermomètre est bien à l’équilibre thermique avec le milieu dont on souhaite mesurer la température. C’est pourquoi en météorologie la température doit être mesurée sous abri (Figure 2). Si des rayonnements viennent chauffer le thermomètre (par exemple, rayonnement du Soleil, celui du sol ou celui d’un mur chauffé par le Soleil), la température du thermomètre augmente, il n’est alors plus en équilibre avec l’atmosphère. De même le thermomètre ne doit pas être mouillé car l’évaporation le refroidit.
Ce que nous ressentons et que nous estimons comme une « température » n’est donc pas toujours une représentation fidèle de la température. Dans une pièce à température uniforme, un métal paraît ainsi plus froid au toucher que le bois, car il évacue mieux la chaleur de notre corps. De même, le vent et l’humidité accroissent notre sensation de froid. Les bulletins météorologiques cherchent à décrire cet effet par la « température ressentie », mais il s’agit d’une notion empirique et ambigüe à ne pas confondre avec la température. Ce que nous ressentons représente la tendance de notre environnement à nous refroidir ou à nous réchauffer. Cela dépend de nombreux paramètres comme notre habillement, le vent local, l’humidité de l’air, ainsi que l’impact direct du rayonnement solaire sur notre peau.
3. Chaleur
Contrairement à la température, la quantité de chaleur est proportionnelle à la masse du corps chauffé et peut s’échanger entre différents corps. L’unité ancienne est la calorie, quantité de chaleur nécessaire pour chauffer 1 g d’eau de 1°C. Il faut 10 calories pour chauffer 10 g d’eau de 1°C ou 1 g d’eau de 10°C.
Jusqu’au 19e siècle la chaleur était considérée comme un fluide appelé « calorique ». Celui-ci était supposé produit par le feu et pouvait ensuite se répandre dans différents milieux. Ce n’est qu’après les travaux de James Prescott Joule, dans les années 1840, que la chaleur a été considérée comme une forme d’énergie (lire « L’énergie »). Son dispositif mécanique est représenté sur la Figure 4. Il a aussi utilisé des expériences utilisant le courant électrique. En tant qu’utilisateurs de chauffe-eau électriques, cette équivalence entre chaleur et énergie nous est familière, mais il n’en était pas de même au 19e siècle. La chaleur est maintenant exprimée en joules, utilisant l’équivalence 1 calorie = 4,18 joules [5].
La capacité thermique massique (par unité de masse) d’un corps, aussi appelée chaleur spécifique, est la capacité du corps à stocker la chaleur. Ceci est défini précisément comme la quantité de chaleur nécessaire pour élever la température d’une masse de 1kg de 1°C. Comme on l’a vu elle est de 4,18 kJoules/kg/°C pour l’eau liquide (soit 4,18 Joules pour 1 g). C’est une valeur particulièrement élevée. Pour un sol sec la capacité thermique massique est approximativement 5 fois plus faible.
Si l’on mélange 1 kg d’eau à 50°C avec 1 kg d’eau à 0°C, on obtient deux litres à 25°C, suite au transfert de chaleur entre l’eau froide et l’eau chaude. La chaleur spécifique est dix fois plus faible pour un métal comme le fer, CFe = 0,1 Ceau. Ainsi 1 kg de fer à 50°C placé dans 1 kg d’eau à 0°C s’équilibrera à une température teq telle que CFe(50-teq) = Ceau(teq-0), la chaleur perdue par le fer CFe(50-teq) servant à chauffer l’eau de 0 à teq. Ceci conduit à teq = 50*CFe/(CFe+Ceau) = 4,5°C.
La chaleur latente de vaporisation est la quantité de chaleur nécessaire pour évaporer un liquide sans changement de température. La chaleur de vaporisation d’un litre d’eau est de 2 257 kJ/kg (à la pression atmosphérique et à 100°C), soit 5,4 fois plus que pour chauffer le litre d’eau de 0 à 100°C. Cette transformation est réversible, la même chaleur étant restituée lors de la condensation. Ceci joue un rôle important en météorologie en favorisant l’ascension de l’air chaud par convection, lors d’un orage ou au cœur d’un cyclone : la condensation limite le refroidissement de l’air par détente et amplifie ainsi l’excès de température du fluide ascendant par rapport à son environnement. En météorologie on parle de chaleur sensible pour exprimer la quantité de chaleur associée à une élévation de température, par opposition à la chaleur latente liée à la formation de vapeur. Ainsi dans un cyclone tropical le rayonnement solaire évapore l’océan, apportant de la chaleur latente qui est ensuite restituée en chaleur sensible lorsque la vapeur se condense au cours de l’ascension de l’air.
Il est également nécessaire de fournir une chaleur latente de fusion, 333 kJ/kg pour faire passer la glace à l’état liquide. Elle est environ 7 fois plus faible que la chaleur latente d’évaporation, mais tout de même équivalente à la chaleur nécessaire pour élever de 80°C la température de l’eau liquide. Inversement, la solidification libère cette chaleur latente sous forme de chaleur sensible qu’il faut évacuer pour permettre la solidification.
4. La loi des gaz parfaits
Au 18e siècle, il a été établi expérimentalement que les gaz suffisamment dilués satisfont l’équation des gaz parfaits qui exprime que le produit de la pression p par le volume V ne dépend que de la température. Ainsi, dans un cylindre dont le volume est réduit de moitié par un piston la pression est doublée à température constante. Par ailleurs il a été découvert que ce produit pV était une fonction linéaire de la température. L’extrapolation de cette relation vers des températures plus faibles que celles de l’état gazeux conduisait à une valeur nulle du produit pV à la température t = -273 °C, identique pour tous les gaz. Cette observation a permis de définir la température absolue T = t + 273, exprimée alors en kelvin (K), bien avant d’être capable d’approcher la température T = 0 K, dite zéro absolu.
On écrit alors la loi des gaz parfaits pV = nRT, où n représente le nombre de moles de gaz et R = 8,31 Joules/mole/K. Cette formulation exprime la loi d’Avogadro, qui stipule que dans des conditions de température et de pression données, des volumes égaux de gaz parfaits différents contiennent toujours le même nombre de molécules. Cette loi proposée par Avogadro en 1811 est restée longtemps ignorée ou contestée, les notions mêmes d’atomes et de molécules étant alors très hypothétiques. S’il est difficile de compter les atomes, on peut comparer les masses relatives des différents atomes par leurs combinaisons chimiques. Ainsi on sait qu’une masse de 16 grammes de méthane CH4 est constituée de 12 grammes de carbone et 4 grammes d’hydrogène, ce qui permet d’attribuer la masse de 12 grammes pour une mole de carbone et de 1 gramme pour la mole d’hydrogène atomique prise comme référence (et donc 2 grammes pour la molécule H2). Ceci suppose bien entendu qu’on connaisse les formules chimiques, ce qui a été rendu possible par des recoupements sur de nombreuses réactions chimiques. [6]
Depuis le début du 20e siècle on sait « compter » les molécules et donc estimer le nombre d’Avogadro NA, c’est à dire le nombre de molécules contenues dans une mole. Ceci conduisit à écrire la loi des gaz parfaits sous la forme pV = NkBT, où N est le nombre de molécules et kB la constante de Boltzmann kB = R/NA= 1,38 × 10-23 J·K-1.
5. Température et énergie d’agitation moléculaire
La pression d’un gaz s’explique facilement par l’effet des chocs des molécules sur les parois, ce qui a été compris dès 1738 par le physicien, mathématicien et médecin suisse Daniel Bernoulli. Une application des lois de la mécanique, détaillée dans le focus, conduit ainsi à relier la pression à l’énergie cinétique moyenne des molécules selon une direction, pV = m<u2> (le crochet <.> représentant une moyenne sur les molécules). L’identification avec la loi des gaz parfaits permet ainsi d’interpréter la température absolue comme l’énergie d’agitation des molécules selon une direction, par la formule (1/2)m<u2> = (1/2)kBT, qu’on peut aussi écrire (1/2)(NAm)<u2> = (1/2)RT. Pour l’air, de masse molaire moyenne NAm = 29 g, cela conduit à une vitesse moléculaire [7] de 300 m/s à température ordinaire T = 300 K. Pour un grain de pollen de masse 10-15 kg (diamètre 1 µm), cela conduit à une vitesse d’agitation de 2 mm/s. C’est l’observation au microscope de ce mouvement brownien qui a permis une des premières mesures de la constante de Boltzmann et donc du nombre d’Avogadro.
Si l’on fait abstraction de l’habitude historique ayant conduit à définir l’échelle de température à partir des propriétés de l’eau (100 K correspond à la différence entre température d’ébullition et de fusion à pression standard), il est alors logique d’exprimer la température en unité d’énergie plutôt qu’en Kelvin (de sorte que kB = 1). Ceci est en effet une pratique courante en physique.
Cette théorie permet également de calculer la chaleur spécifique d’un gaz. Pour élever la température de 1 K, il faut en effet apporter l’énergie (1/2)kB par molécule pour son mouvement de translation dans une direction donnée. Comme les molécules se déplacent dans les trois dimensions, il faut multiplier par 3 pour avoir l’énergie cinétique totale de translation, d’où une chaleur spécifique [8] (3/2)kB par molécule, soit (3/2)R par mole. Ceci est vérifié pour les gaz monoatomiques comme l’argon ou l’hélium, mais pour des molécules il faut tenir compte de l’énergie des mouvements internes de rotation. Ces mouvements contiennent de l’énergie sans contribuer à la pression. Pour des molécules à deux atomes comme l’azote et l’oxygène, principaux composants de l’air, on peut montrer que ces mouvements de rotation possèdent une énergie kBT, conduisant à une chaleur spécifique (5/2)R.
Le lien entre température et énergie d’agitation moléculaire est plus complexe dans un liquide ou un solide. Les molécules ou atomes y sont maintenus en empilements compacts par les forces d’attraction moléculaires. C’est à vaincre ces forces d’attraction qu’est utilisée la chaleur latente d’évaporation. La fusion nécessite également un apport d’énergie pour passer de l’ordonnancement périodique caractérisant le solide à l’empilement désordonné du liquide. Ces effets sont réversibles, la chaleur latente étant restituée sous forme de chaleur sensible lors des processus inverses de condensation et de solidification.
La loi des gaz parfaits permet de mesurer une température à partir de la pression d’un gaz. C’est le principe des thermomètres à gaz utilisés comme référence pour étalonner les thermomètres d’usage plus courant. Cependant, du point de vue théorique, les physiciens préfèrent utiliser une définition plus fondamentale s’appliquant directement à tout milieu sans référence à un gaz. De plus à très basse température tous les corps se condensent et plus aucun gaz n’est alors disponible. Ceci conduit à définir la température d’un milieu à partir de la notion d’entropie (lien vers article Thermodynamique). Cette température coïncide avec celle obtenue par la loi des gaz parfaits lorsqu’un tel gaz existe.
6. Transferts de chaleur
Tout milieu isolé tend vers un état d’équilibre thermique [9] caractérisé par une température uniforme. Ceci s’effectue par des transferts de chaleur des zones chaudes vers les zones plus froides selon trois types de processus bien distincts.
La conduction, encore appelée diffusion thermique, est la transmission d’énergie thermique par les mouvements désordonnés des constituants de la matière : chocs entre molécules pour les gaz, vibrations dans les solides, transport d’électrons dans les métaux. La conduction est efficace à petite échelle, et nous observons par exemple qu’un objet chaud de quelques centimètres se refroidit en quelques minutes. Ce temps de diffusion dépend de la conductivité thermique du matériau, mais il augmente aussi comme le carré de la dimension, devenant donc 10 000 fois plus long pour un objet 100 fois plus grand. Il faut ainsi plusieurs mois à la température atmosphérique pour diffuser dans le sol au-delà de quelques mètres. C’est pourquoi la température du sous-sol reste constante au cours de l’année. Si la moyenne annuelle est inférieure à 0°C, le sol reste alors gelé en permanence, c’est le permafrost (lire « Le permafrost »).
Dans un fluide, la convection est souvent le mécanisme dominant de transfert de chaleur. C’est la matière en mouvement qui transporte la chaleur qu’elle contient. La diffusion se limite alors au transfert de chaleur entre les parois et le fluide dans une fine zone de contact appelée couche limite thermique. La convection est dite forcée lorsque l’écoulement est produit mécaniquement, par exemple dans un circuit de refroidissement actionné par une pompe. La convection naturelle correspond quant à elle à la mise en mouvement du fluide par les variations de densité dues aux effets thermiques eux-mêmes. C’est ce qui agite l’eau dans une casserole chauffée, ou fait monter l’air chaud au-dessus d’un radiateur. L’atmosphère en mouvement est un vaste système de convection naturelle.
7. Le rayonnement thermique
Le rayonnement correspond à un troisième mode de transfert de chaleur. C’est ainsi que nous recevons la chaleur du Soleil. La lumière est en général émise par un atome lors d’une transition d’un électron d’un niveau d’énergie excité vers un niveau plus bas. Cette émission se fait à la fréquence ν reliée à la différence d’énergie E entre niveaux par la fameuse relation de E = hν, où h = 6,6 × 10-34 m2 kg/s est la constante de Planck. Le rayonnement est constitué de photons d’énergie E. Dans un laser ou d’une lampe à tube fluorescent, la lumière provient d’une transition unique ou d’un nombre limité de transitions, définissant des raies d’émission.
Dans le Soleil, les photons diffusent longuement au sein du gaz avant d’être émis vers l’espace, ce qui modifie aléatoirement leur fréquence, et donc leur énergie, par effet Doppler. Ils acquièrent ainsi une distribution d’énergie en équilibre thermique avec la matière. Ce rayonnement peut être considéré comme un gaz de photons, qu’on peut aussi observer dans une cavité, par exemple un four, dont les parois émettent et absorbent en permanence du rayonnement.
Contrairement aux molécules d’un gaz classique, les photons se déplacent toujours à la vitesse de la lumière c. En revanche, par analogie avec un gaz de molécules, on s’attend à ce que l’énergie moyenne des photons hν soit proportionnelle à kBT. On peut aussi exprimer cela en longueur d’onde λ=c/ν (distance parcourue en une période 1/ν), ce qui donne hc/λ~kBT, soit λT~hc/kB. Cette estimation est en accord avec la loi de Wien qui exprime plus précisément la longueur d’onde λm du maximum de la densité spectrale comme λmT = 0.201 hc/kB = 2,896 10-3 mK (voir lien article rayonnement). Pour le Soleil, dont la surface émettrice est à une température de T = 5700 K, cette longueur d’onde est λm = 0.5 µm (lumière jaune), tandis que pour un radiateur électrique à T = 570 K (297 °C), elle est égale à 5 µm, située dans l’infrarouge.
Ce rayonnement en équilibre thermique à température T possède une distribution de longueurs d’ondes autour de ce maximum λm. Cela correspond à ce qu’on appelle le spectre de Planck ou spectre de rayonnement du corps noir. Un corps noir est défini comme un corps qui absorbe tout le rayonnement qu’il reçoit. Si un tel corps est placé dans une cavité à température T il doit re-émettre toute l’énergie qu’il absorbe pour rester en équilibre thermique avec son environnement.On montre alors que la puissance totale rayonnée par unité de surface est proportionnelle à T4.
Tout corps émet un rayonnement thermique qui se rapproche plus ou moins de celui du corps noir. Si maintenant le corps n’absorbe qu’une proportion η du rayonnement reçu il doit aussi émettre une proportion η de celui d’un corps noir. Sinon il se refroidirait spontanément s’il était placé dans une cavité à température T : à l’équilibre il doit émettre autant d’énergie qu’il absorbe. Cette règle, appelée loi de Kirchoff, doit s’appliquer à toute température, donc à toute longueur d’onde (lire l’article rayonnement thermique). Notons que les raies d’émission d’un laser ou une lampe fluorescente excèdent le rayonnement thermique aux longueurs d’ondes concernées, mais il s’agit là d’une excitation électrique, non thermique. Inversement des raies d’absorption sont observées dans le spectre solaire, ainsi que dans le spectre infra-rouge émis par la Terre (lien article rayonnement et climat). Ceci est dû à l’absorption lors de la traversée de couches atmosphériques plus froides que la zone d’émission.
Références et notes
[1] Une force tangentielle, dite de cisaillement, est cependant produite par un écoulement le long de la paroi.
[2] Cela suppose qu’on néglige le poids de l’air contenu dans le coin, ce qui se justifie quelle que soit la densité du fluide dans la limite d’une petite longueur a (en effet le poids est proportionnel à a2 et devient donc négligeable par rapport aux forces de pression proportionnelles à a).
[3] Lors d’une plongée avec bouteilles, il est impératif de ne jamais bloquer sa respiration pour éviter de rompre cet équilibre entre pression interne et externe.
[4] A l’origine, en 1742, Celsius utilisait une échelle de 100 à 0, ensuite inversée dans la forme actuelle.
[5] Noter que la calorie, encore utilisée pour exprimer l’énergie apportée par les aliments, est en fait une kilocalorie, égale à 4,19 kJoules.
[6] La loi d’Avogadro elle-même est aussi utilisée pour contraindre les formules chimiques. Ainsi pour valider sa loi, Avogadro a dû supposer que les gaz comme l’oxygène ou l’azote sont formés de molécules diatomiques plutôt que d’atomes isolés, ce qui parut à l’époque une hypothèse ad-hoc sans fondement.
[7] On peut montrer de façon générale que dans un gaz la vitesse des molécules est proche de celle de propagation du son.
[8] Il s’agit plus précisément de la chaleur spécifique CV à volume constant. Lorsqu’on chauffe un gaz à pression constante, celui-ci se détend et donc se refroidit par dilatation. Il faut alors apporter une énergie thermique supplémentaire, ce qui conduit à la chaleur spécifique à pression constante CP = CV + R par mole.
[9] On parle plus généralement d’équilibre thermodynamique incluant l’équilibre mécanique des pressions et celui d’éventuelles réactions chimiques.
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Pour citer cet article : SOMMERIA Joël (27 juin 2018), Pression, température et chaleur, Encyclopédie de l’Environnement. Consulté le 4 octobre 2024 [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/physique/pression-temperature-et-chaleur/.
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