| Focus 1/4 | Le chemin du carbone dans la photosynthèse

Décryptage du Cycle de Benson-Bassham-Calvin

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1. Une révolution technologique pour le décryptage du cycle

cycle carbone - photosynthese
Figure 1. Découvreurs du cycle de réduction du carbone photosynthétique (de gauche à droite) : James A. Bassham, Andrew A. Benson et Melvin Calvin. Photo offerte à Karl Biel par Andrew A. Benson (9 septembre 1988). [Source : Reproduite avec l’autorisation de Karl Biel]
Vers les années 1945, des chimistes américains, A.A. Benson, J.A. Bassham et M. Calvin [1] (Figure 1), se sont attaqués à la tâche d’identification du produit carboné de la photosynthèse qui échappait à toutes les investigations des scientifiques. Il faut rappeler qu’après la dernière guerre mondiale ces chercheurs venaient d’acquérir à Berkeley en Californie deux nouveaux alliés techniques de poids :

  • un traceur radioactif, le 14C, qui venait d’être isolé par S. Ruben et M. Kamen en 1941 [2],
  • de nouvelles techniques de séparation par chromatographie des principaux composés carbonés du métabolisme, mises au point quelques années auparavant en Angleterre par R. Martin et A. Synge. [3]

Ces deux outils vont permettre à M. Calvin et à ses collaborateurs, de décrypter le chemin emprunté par le carbone au cours des différentes réactions biochimiques d’assimilation du carbone photosynthétique.

Figure 2. Schéma de l’appareillage utilisé pour suivre l’incorporation du carbone photosynthétique dans les produits de la photosynthèse . Au centre : dispositif utilisé pour l’étude de la fixation du CO2 par des algues unicellulaires. [Source : Photo © Ernest O. Lawrence, Berkeley National Laboratory, Photography and Digital Imaging Services: previously unpublished, Biochemistry & Molecular Biology of Plants. B.B. Buchanan, W. Gruissem & R.L. Jones. American Society of Plant Physiologists, Rockville, MD. 2000 p. 610]. A droite : Lollipop donné au Pr. Roland Douce par Andrew A. Benson et conservé au Musée des Confluences (Lyon, France).
Ces premières expériences n’ont pas été réalisées sur des feuilles mais sur des algues unicellulaires (Chlorelles ou Senedesmus), plus faciles d’emploi. Le protocole expérimental est le suivant :

  1. Les algues unicellulaires sont placées dans un milieu de suspension qui s’écoule à débit constant d’un réservoir par un serpentin transparent éclairé.
  2. Quand la photosynthèse est stationnaire, sous éclairement à température donnée, du bicarbonate de sodium (Na14CO3) est introduit par une seringue dans le milieu de suspension.
  3. L’incubation en présence de 14C est limitée au temps pendant lequel la suspension poursuit sa descente dans le serpentin après avoir été injectée (quelques secondes).
  4. En fin de course, le matériel végétal est fixé dans le méthanol bouillant (Figure 2). [4]
  5. Les constituants présents dans l’extrait sont séparés par chromatographie bidimensionnelle.
  6. Le chromatogramme est ensuite radiographié à l’obscurité. Les taches noires apparues sur le radio-chromatogramme indiquent la présence des composés radioactifs qui se sont formés au cours du marquage des algues par le 14C.
  7. De façon à identifier ces composés, les radio-chromatogrammes sont comparés à des chromatogrammes colorés par différents réactifs chimiques spécifiques des acides organiques, acides aminés, sucres et composés phosphorylés (Figure 3).
photosynthese
Figure 3. Auto-radiogrammes des composés photosynthétiques marqués par le 14C après séparation par chromatographie bidimensionnelle [Source : Schéma R Prat, in Morot-Gaudry, Dunod, 2009].

2. Le cycle de Benson-Bassham-Calvin

cycle Benson-Bassham-Calvin - photosynthese
Figure 4. Représentation schématique du Cycle de Benson-Bassham-Calvin. Les molécules sont représentées uniquement avec leurs carbones et groupements phosphate.

Toutes les molécules identifiées avec les méthodes décrites ci-dessus ont pu être organisées en un cycle comportant 3 phases. La figure 4 représente schématiquement le Cycle de Benson-Bassham-Calvin.

Phase 1 – Fixation du dioxyde de carbone CO2

3 RuBP (molécule en C5) + 3 CO2 (molécule en C1) → 6 3-PGA (molécule en C3)

(catalysé par la Rubisco)

Phase 2 – Réduction de l’acide phosphoglycérique en triose-phosphate

L’acide 3-phosphoglycérique (3-PGA) est réduit, en deux étapes, en glycéraldéhyde 3-phosphate (G3P). Molécule à 3 carbones et un groupement phosphate, le G3P est un triose-phosphate. L’ensemble de ces deux réactions consomme le NADPH2 et une partie de l’ATP produits par les thylacoïdes lors des réactions photochimiques de la photosynthèse (Lire Lumière sur la photosynthèse) :

6 3-PGA (molécule en C3) + 6 ATP ⇌ 6 1,3-bisPGA (molécule en C3) + 6 ADP

6 1,3-bisPGA (molécule en C3) + 6 NADPH + 6 H+ ⇌ 6 G3P (molécule en C3) + 6 NADP+ + 6 Pi

Phase 3 – Régénération de l’accepteur du CO2

Le rôle du cycle est de régénérer le RuBP. L’ensemble des réactions de la phase 3 consiste à reconvertir les molécules à 3 atomes de carbone en molécules à 5 atomes de carbones afin de pouvoir réinitialiser le cycle. Cette phase consomme de très grosses quantités de glycéraldéhyde 3-phosphate (5 molécules sur 6 formées). Il apparait des oses phosphorylés en C6, en C4, en C7 et finalement en C5 (voir Figure 4), comme on peut le représenter schématiquement ainsi :

C3P + C3P → C6-diP → C6-P + Pi

C6-P + C3P → C4P + C5P

C4P + C3P → C7-diP→ C7-P + Pi

C7P + C3P → 2 C5P

Seule la dernière étape de cette phase consomme de l’ATP. Le bilan global se résume ainsi :

5 G3P  (molécule en C3) → 3 ribulose-5-P (molécule en C5) + 2 Pi

3 ribulose-5-P (molécule en C5) + 3 ATP ⇌ 3 RuBP (molécule en C5) + 3 ADP

Finalement, une seule des 6 molécules de triose phosphate produites par ce cycle va être utilisée pour la production de sucres et plus largement d’autres métabolites qui sont à la base de la création de biomasse (Figure 4). Elle sera utilisée pour la biosynthèse d’amidon, d’acides aminés ou de lipides dans le chloroplaste ou exportée hors du chloroplaste et transformés en saccharose par les enzymes du cytoplasme (Lire Focus Saccharose ou amidon ?).

 


Notes et références

Image de couverture. Quelques structures de molécules impliquées dans le cycle BBC [Domaine public]

[1] Andrew Alm Benson (1917-2015), James Alan Bassham (1922-2012) & Melvin Calvin (1911-1997), sont des chimistes américains dont les contributions à la découverte du cycle du carbone dans les plantes sont considérables. On doit en particulier à Benson, spécialiste des composés carbonés et des sucres, la découverte du ribulose 1,5-bisphosphate sur lequel se fixe le carbone du CO2. Calvin a reçu le prix Nobel de chimie de 1961 pour ses travaux sur l’assimilation du dioxyde de carbone par les plantes.

[2] Martin Kamen (1913-2002) et Samuel Ruben (1913-1943) sont deux chimistes américains, codécouvreur du carbone 14 (14C). Avec une demi-vie de 5730 ans, le 14C peut être très facilement utilisé dans les expériences métaboliques. C’est l’un des trois isotopes naturellement abondant (avec le 12C et le 13C), mais le seul radioactif.

[3] Richard Laurence Millington Synge (1914-1994), et Archer John Porter Martin (1910-2002) sont deux chimistes anglais. Ils sont colauréats du prix Nobel de chimie de 1952 pour l’invention de « la chromatographie de partage ».

[4] Un exemplaire du dispositif -offert par Andrew Benson à Roland Douce- est conservé au Musée des Confluences, à Lyon (France).


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